Objectif principal
Mettre au cœur du pilotage de l’économie des indicateurs alternatifs au PIB qui reflètent mieux l’état de santé sociale et écologique.
Périmètre
France puis Europe
Nature de la mesure
Politique et économique
Enoncé de la proposition
Faire porter et commenter au plus haut niveau de l’Etat, à un rythme au moins annuel, un « « tableau de bord » comprenant un nombre restreint d’indicateurs caractérisant la situation de la Nation sur les plans sociaux, écologiques et économiques. Ce tableau de bord devra également être porté et approprié dans le cadre de la coordination budgétaire européenne (le semestre européen) fichegouvernanceue.
Argumentation et justification
La croissance du PIB notepib1, assimilée à celle de la richesse d’un pays, constitue en Europe et en France, l’alpha et l’oméga permettant de juger de la réussite d’une politique économique. De nombreux travaux critiques, ont pourtant montré à quel point cet indicateur n’était pas pertinent pour déterminer la bonne santé d’une économie. Le PIB n’est pas un bon indicateur de santé sociale ; il ne reflète aucunement la dépendance d’une économie aux ressources naturelles notepib2 et n’intègre pas les dommages écologiques provoqués par l’activité économique. Il est donc clairement insuffisant pour piloter une Nation.
Le problème ne réside pas tant dans la disponibilité d’indicateurs alternatifs comme en témoigne par exemple les multiples indicateurs d’évaluation des Objectifs de développement durable (voir encadré en fin d’article), que dans leur utilisation.
L’exemple français est assez emblématique à cet égard. Votée en 2015, la loi SAS prévoit que le gouvernement remette chaque année au Parlement un rapport présentant l'évolution de nouveaux indicateurs de richesse ainsi qu’une évaluation de l'impact des principales réformes engagées au regard de ces indicateurs. Suite à cette loi, des travaux ont été engagé afin d’identifier 10 indicateurs de richesse notepib3.
Cette loi est malheureusement restée sans portée politique : les rapports annuels sont publiés notepib4 mais ils ne servent pas à éclairer et évaluer les politiques publiques, à commencer par la mobilisation des finances publiques. C’est ce que note l’économiste Eloi Laurent dans une note qui se penche sur la mise en œuvre de la loi SAS. « Le débat budgétaire français se trouve actuellement sous la tutelle de l’objectif de croissance du PIB, lui-même déterminant dans l’application et le respect des règles européennes en matière de finances publiques (calculées en pourcentage du PIB). En dehors de la décomposition du PIB et de quelques indicateurs macroéconomiques relatifs au marché du travail, l’information transmise à la représentation nationale au moment de procéder à la répartition des dépenses et des charges publiques se révèle très insuffisante pour saisir l’état social du pays et ses défis pour l’avenir, notamment écologiques. » notepib5 On est donc très loin de ce qui se fait en Nouvelle Zélande avec le wellbeing budget.
Au niveau de l’Union européenne, le constat est le même. Le PIB reste au cœur de la coordination économique européenne fichegouvernanceue que ce soit via l’objectif de croissance ou via les indicateurs budgétaires limitant les marges de manœuvre des Etats (dette et déficit mesurés en pourcentage du PIB). Les objectifs sociaux et de transition écologique sont au mieux seconds voire totalement absents du processus.
Notons enfin que trois prérequis semblent fondamentaux pour que des indicateurs alternatifs au PIB deviennent véritablement structurants sur les politiques publiques.
- Le processus de choix des indicateurs doit être transparent et faire l’objet d’un débat public large.
- Le nombre d’indicateurs doit être limité : les 231 indicateurs adoptés par l’ONU pour évaluer les objectifs de développement durable sont utiles pour fournir des données mais bien trop nombreux pour contrebalancer l’impact du PIB en termes de récit.
- Enfin et surtout, les indicateurs doivent être réellement utilisés pour orienter les politiques économiques à commencer par la mobilisation des fonds publics.
Les objectifs de développement durable
En septembre 2015, l'Assemblée Générale des Nations Unies a adopté le Programme de développement durable à l’horizon 2030 qui se décline en 17 Objectifs de développement durable (ODD) eux-mêmes évalués au moyen de 231 indicateurs. Inégalité, pauvreté, faim dans le monde, eau, énergie, climat, travail décent, croissance économique, industrie, biodiversité terrestre et marine, égalité homme-femme, santé, éducation paix et institutions... on trouve dans les différents documents relatifs aux ODD une mine d'informations pour comprendre l'état de notre planète et de nos sociétés.
Consultez Les rapports annuels de l'ONU sur les ODD et La base de données avec tous les indicateurs d'évaluation des ODD
Lien avec les enjeux planétaires
Cette réforme permettrait de rendre les objectifs écologiques et sociaux beaucoup plus déterminants pour l’élaboration des politiques publiques économiques.
Origine et soutiens de la mesure
Les indicateurs alternatifs au PIB sont portés depuis longtemps par de nombreux économistes critiques, des chercheurs ainsi que des think tanks et initiatives publiques. Nous en citons quelques uns sans prétention à être exhaustif.
Citons par exemple : Dominique Méda, Florence Jany-Catrice notepib6, Jean Gadrey notepib7, Eloi Laurent notepib8, Tim Jackson notepib9, Joseph Stilgitz notepib10, Amartya Sen notepib11 etc.
La Well-being Alliance (WeALL) met notamment en évidence et accompagne des initiatives sur les indicateurs alternatifs au PIB.
Le Sustainable Development Solutions Network (SDSN), think tank adossé au comité des Nations Unies en charge des objectifs sur le développement durable, publie depuis 2016 le sustainable developpment report, une étude visant à évaluer au moyen d’un indice synthétique (le SDG index) où se situe chaque pays en termes d’atteinte des objectifs de développement durable.
Le Global Footprint Network, ONG internationale fondée en 2003, produit et diffuse la recherche sur l’indicateur synthétique de l’empreinte écologique.
L’Insee, en France, travaille sur des pistes de modifications en profondeur du calcul du PIB notepib12.
Dans le cadre de son Initiative Better life, lancée en 2011, l’OCDE publie chaque année un rapport sur le bien-être, examiné dans des dimensions très variées, avec une revue pays par pays et propose le Better Life Index, dont les pondérations entre les différents critères sont fixées par l’utilisateur. L’OCDE a également organisé en 2019 une conférence « Putting Well-being Metrics into Policy Action » qui permet de mettre en évidence les initiatives publiques concrètes.
Au début des années 2010, la commission européenne a produit une communication et un plan d’action dans le cadre de L’initiative Beyond GDP. La réflexion semble cependant aujourd’hui au point mort.
Faisabilité (juridique et politique)
La mesure ne comporte aucune difficulté juridique ni technique.
Politiquement, elle suppose qu’un gouvernement élu en comprenne la portée et la fasse vivre.
Lien avec le reste de la plateforme
Pour mieux comprendre cette mesure, nous vous recommandons les lectures suivantes
Dans les modules
Dans les fiches
Dans les Ressources, vous trouverez de nombreuses ressources sur les critiques du PIB et les indicateurs alternatifs en cliquant sur le filtre "indicateurs" dans les thèmes.