- La gouvernance économique européenne dans les traités européens
- Le Semestre européen : la coordination des politiques économiques
- Le Pacte de stabilité et de croissance : la discipline budgétaire
- La surveillance des déséquilibres macroéconomiques
Pour vous permettre d'accéder facilement aux textes et documents présents sur le site de la Commission européenne nous avons référencé les liens vers :
Enfin, en complément de cette fiche vous pouvez également consulter :
La gouvernance économique européenne dans les traités européens
Le socle juridique de la gouvernance économique européenne est aujourd’hui inscrit dans le Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) notegouveco1. La discipline budgétaire est au cœur de cette coordination : c’est en effet le seul domaine pour lequel des critères contraignants sont prévus dès les traités.
Les objectifs des politiques économiques
Selon l’article 120 du TFUE, « les États membres conduisent leurs politiques économiques en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de l'Union, tels que définis à l'article 3 du traité sur l'Union européenne ».
Ces objectifs sont très larges et incluent notamment la promotion de la paix, le bien-être des peuples, une croissance économique équilibrée, la justice et la protection sociale, le plein emploi, la protection et l’amélioration de la qualité de l’environnement, la solidarité entre les Etats membres et entre les générations… S’il n’y a point trace à ce stade de surveillance budgétaire, cette dernière est pourtant au cœur de la gouvernance économique européenne.
Les institutions de l’Union européenne
Le Conseil européen réunit les chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres afin de définir les priorités politiques de l'UE. Il n’adopte pas d’acte législatif (c’est le rôle du Conseil).
Le Conseil (ou Conseil de l’UE) est l’une des deux branches législatives de l’Union. Composé des ministres des Etats membres, il se réunit en dix formations différentes selon les sujets traités. Son rôle : négocier et adopter la législation et le budget de l’UE avec le Parlement européen ; coordonner les politiques des Etats membres ; développer la politique étrangère et de sécurité de l'UE ; conclure les accords entre l’UE et d’autres pays (ou organisations).
Le Parlement européen est l’autre branche législative de l’UE. Il est élu au suffrage universel tous les cinq ans. Son rôle : adopter la législation et le budget de l’Union avec le Conseil ; donner son avis sur différents processus (programme de travail de la Commission, accords internationaux, politique monétaire de la BCE etc.)
La Commission est la branche exécutive de UE. Elle est composée d’un Président et de 27 commissaires notegouveco2 renouvelés tous les cinq ans à la suite des élections du Parlement européen. Ses services sont organisés en directions générales (DG), chacune responsable d’un domaine spécifique. Son rôle : alimenter le Parlement et le Conseil par des propositions législatives (directives ou règlements) et des documents d’orientation générale (les « communications ») ; mettre en œuvre les décisions du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne ; exécuter le budget ; veiller à l’application du droit européen.
En savoir plus sur les autres institutions de l’Union européenne
La coordination économique, la surveillance multilatérale, les règles budgétaires
> L'article 121 explicite les grandes modalités de fonctionnement de la coordination économique européenne notegouveco2a et introduit la notion de surveillance de la situation économique des Etats membres.
En particulier, il est prévu que le Conseil, sur recommandation de la Commission, élabore les « grandes orientations des politiques économiques » puis les adopte à la suite d’un débat du Conseil européen. La Commission vérifie la conformité des politiques économiques nationales avec ces orientations et, si besoin, adresse un avertissement. Le Conseil peut alors émettre des recommandations à l’Etat concerné.
> L’article 126 détaille la surveillance par la Commission de la situation budgétaire des Etats membres, évaluée selon deux critères : la dette publique ne doit pas être supérieure à 60% du PIB et le déficit public à 3% du PIB notegouveco3. Cet article précise également les étapes de la « procédure pour déficit excessif », déclenchée en cas de non-respect des critères.
> Selon l’article 136, des mesures spécifiques peuvent être prises pour les Etats de la zone euro.
La coordination des politiques de l’emploi
Selon l’article 148, le Conseil élabore chaque année des « lignes directrices sur l’emploi », compatible avec les « grandes orientations des politiques économiques ». Sur la base de rapports transmis par les Etats membres, le Conseil procède à un examen des politiques nationales et peut transmettre des recommandations. Le Conseil et la Commission réalisent ensuite un rapport annuel conjoint sur la situation de l'emploi dans l'UE.
Version actuelle des « grandes orientations des politiques économiques » et des « lignes directrices pour l’emploi »
A partir de 2010, les grandes orientations et les lignes directrices ont été adoptées conjointement sous la forme d’un ensemble de huit mesures intégrées. Les grandes orientations n’ont pas bougé depuis 2015, les lignes directrices doivent être mises à jour annuellement.
Les grandes orientations des politiques économiques
1. Favoriser les investissements
2. Renforcer la croissance par la mise en œuvre de réformes structurelles dans les États membres
3. Eliminer les principales entraves à la croissance durable et à l'emploi au niveau de l'Union
4. Rendre les finances publiques plus viables et plus propices à la croissance
> Voir le détail dans la Recommandation 2015/1184 du Conseil
Les lignes directrices des politiques de l’emploi
5. Stimuler la demande de main-d’œuvre
6. Renforcer l’offre de main-d’œuvre et améliorer l’accès à l’emploi, les qualifications et les compétences
7. Améliorer le fonctionnement des marchés du travail et l’efficacité du dialogue social
8. Promouvoir l’égalité des chances pour tous, favoriser l’inclusion sociale et combattre la pauvreté
> Voir le détail dans la Décision 2020/1512 du Conseil
Si une forme de coordination des politiques économiques et budgétaires était présente dès le traité de Maastricht (1992), elle a été considérablement renforcée, à partir de 2011 avec la mise en place du « Semestre européen » qui a permis de synchroniser plusieurs processus existants. Il est devenu l’outil central de coordination des politiques européennes et nationales en matière économique et d’emploi.
En plus de décliner chaque année les « grandes orientations de politiques économiques », le Semestre européen permet d’intégrer dans un calendrier annuel commun :
- les dispositions relatives au suivi du Pacte de stabilité et de croissance (voir partie 3)
- les dispositions relatives aux déséquilibres macroéconomiques (voir partie 4) ;
- les dispositions relatives à l’emploi (que nous détaillons dans ce seul chapitre car elles n’incluent pas de procédures spécifiques autres que la remise de rapports et leur examen).
C’est le personnel politique et administratif en charge des budgets publics et des questions financières qui domine le processus notegouveco4. La Commission et le Conseil (en formation Ecofin) notegouveco5 sont assistés dans leurs tâches de coordination des politiques économiques par le Comité économique et financier et le Comité de politique économique constitués de hauts fonctionnaires des administrations nationales, de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne en charge des politiques budgétaire, financière, économique et structurelle. Le secrétariat de ces deux comités est logé au sein de la DG ECFIN notegouveco6 de la Commission européenne.
Quelle place pour l’écologie au sein du Semestre européen ?
En faisant du Pacte Vert pour l’Europe une de ses priorités, la Commission Van der Leyen a affirmé sa volonté d’intégrer les enjeux écologiques au sein du Semestre européen à partir de 2020. C’est une avancée car les politiques économiques ont évidemment une grande influence sur l’état de l’environnement au sein de l’UE et l’atteinte de ses objectifs en matière de climat ou de biodiversité.
Cependant, cette volonté de la Commission n’a pas (encore ?) été retranscrite dans le droit dérivé de l’UE (et bien sûr pas dans les traités), ce qui se reflète dans les documents produits dans le contexte du Semestre Européen. A ce stade, l’intégration des enjeux écologiques se manifeste principalement par des listes de mesures de politiques écologiques et des tableaux d’indicateurs sur l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD). Or, une véritable prise en compte nécessiterait de faire le lien entre les politiques économiques et budgétaires et les objectifs écologiques de l’UE.
Enfin, comme on l’a vu plus haut c’est le personnel politique et administratif en charge des budgets publics et des questions financières qui domine le processus et non celui en charge des questions sociales ou environnementales.
a) A l’automne : la Commission publie les documents de cadrage et d’analyse globaux
Le Semestre européen commence en novembre avec la publication par la Commission du « paquet d’automne » qui comprend plusieurs documents cadre définissant les grandes priorités économiques et sociales de l’UE pour l’année à venir.
- La « Stratégie annuelle pour une croissance durable » notegouveco7 : la Commission évalue la situation économique et sociale dans l'UE et définit les priorités pour les 12-18 mois à venir en cohérence avec les grandes orientations des politiques économiques, définies par le Conseil (voir partie 1). Depuis 2020, ce document doit intégrer la dimension écologique et notamment les Objectifs de développement durable (ODD).
Il fait ensuite l’objet d’échanges avec les Etats membres et différentes instances de l’Union européenne dont certaines peuvent fournir des contributions notegouveco8. Le Conseil européen de printemps rend compte de ces discussions dans ses conclusions et formule des grandes orientations politiques.
Voir toutes les conclusions des réunions du Conseil européen
- Le « Rapport sur le mécanisme d'alerte », publié dans le cadre de la procédure relative aux déséquilibres macroéconomiques (voir partie 4).
- Un projet de « Recommandations du Conseil de l’UE sur la politique économique de la zone euro » qui doit ensuite être discuté, amendé puis adopté par le Conseil de l’UE en février. Ce document s’appuie sur un rapport technique portant sur les questions concernant plus spécifiquement l’Union monétaire.
- Le projet de « Rapport conjoint sur l'emploi » analyse la situation sociale et de l'emploi dans l’ensemble de l’UE, ainsi que des réformes menées par les États membres. Il permet également depuis 2018 de suivre les performances des États membres en ce qui concerne le socle européen des droits sociaux (via la mise à jour du tableau de bord social). Le rapport proposé par la Commission est adopté par le Conseil (en formation EPSCO) notegouveco9 en mars.
b) Février : la Commission publie les « rapports pays » et une Communication générale sur l’UE (le « paquet d’hiver »)
Les « rapports pays » analysent la situation de chaque Etat sur le plan économique, social et budgétaire et évaluent la prise en compte des recommandations formulées par la Commission l’année précédente. Ces rapports peuvent également inclure des « bilans approfondis » pour les pays connaissant des déséquilibres macroéconomiques mentionnés dans le rapport sur le mécanisme d’alerte du paquet d’automne (voir ci-avant).
Depuis 2020, les rapports pays doivent également inclure une section consacrée à la durabilité environnementale ainsi qu’une annexe présentant les résultats de chaque Etat dans l’atteinte des ODD.
La Communication générale de la Commission est une synthèse de la vision globale pour l’UE qui ressort des « rapports pays ».
Le « programme national de réforme » fait le bilan des réformes économiques réalisées par chaque gouvernement, présente celles à venir ainsi que leurs effets attendus, répond aux éventuelles recommandations réalisées par la Commission l’année précédente et explique comment le pays a contribué à la « Stratégie annuelle pour une croissance durable ». C’est également dans ce programme qu’on peut trouver des éléments relatifs à l’écologie.
Le « programme national de stabilité » (ou de convergence pour les Etats non-membres de la zone euro) présente notamment un bilan de l’année écoulée, des projections macroéconomiques pour les trois années suivantes, de nombreuses informations sur la trajectoire des finances publiques (solde budgétaire, dépenses, recettes, impacts des mesures prises etc.) et sur le respect ou non des règles budgétaires européennes (voir le partie 3 sur le Pacte de Stabilité et de Croissance).
d) Mai-juillet : les recommandations spécifiques à chaque pays sont formulées par la Commission et le Conseil (le « paquet du printemps »)
Après avoir évalué les programmes des pays de l’UE, la Commission adresse à chacun d'eux une série de recommandations spécifiques et publie également une Communication générale sur l’UE.
Ces recommandations sont examinées par les États membres réunis au sein du Conseil, avalisées par les dirigeants de l’UE lors d’un sommet en juin et officiellement adoptées par les ministres nationaux des finances avant fin juillet.
e) Avant le 15 octobre : dernière étape pour les pays de la zone euro
Les États membres intègrent les recommandations dans leurs plans de réforme et leurs budgets nationaux pour l’année suivante. Les États de la zone euro soumettent leurs projets de plans budgétaires pour l’année suivante au plus tard le 15 octobre.
La Commission étudie ensuite ces plans au regard des exigences du Pacte de stabilité et de croissance (voir partie 3). Elle émet un avis formel sur chaque plan en novembre, de manière à ce que ses orientations puissent être prises en considération lors de la finalisation des budgets nationaux.
Les ministres des finances et de l’économie de la zone euro, réunis au sein de l’Eurogroupe, discutent de l'appréciation des plans par la Commission.
Le Semestre européen en 2021 : un cycle exceptionnel du fait de la pandémie de COVID-19
A la suite de la pandémie de COVID-19, les Etats membres se sont entendus sur un plan de relance commun de 750 milliards d’euros dont le principal programme est la « Facilité pour la reprise et la résilience » (672,5 mds€). Pour accéder à ces fonds, les Etats doivent élaborer des plans nationaux pour la reprise et la résilience (PNRR) détaillant leur programme de réforme et d’investissement pour les années 2021-2023. Ces éléments ont été inclus dans le Semestre européen.
- Les États membres sont invités à présenter leurs programmes nationaux de réforme et leurs PNRR dans un document intégré unique.
- Les recommandations par pays portent uniquement sur la situation budgétaire et n’incluent pas de recommandations structurelles pour les États ayant présenté des PNRR. En outre, la clause dérogatoire générale des obligations sous le Pacte de stabilité et de croissance ayant été activée (voir partie 3.d), aucune procédure pour déficit excessif n’est initiée.
- La Commission évaluera le risque de déséquilibres macroéconomiques (voir partie 4), en mettant l’accent sur les risques émergents causés par la crise du coronavirus.
En savoir plus sur le site de la Commission
Pour en savoir plus
En savoir plus sur le Semestre européen
Le Pacte de stabilité et de croissance (PSC) et la discipline budgétaire
Lancé par une résolution du Conseil européen d’Amsterdam le 17 juin 1997, le Pacte de stabilité et de croissance regroupe un ensemble de textes juridiques qui déclinent les grands principes de la surveillance budgétaire inscrits dans le TFUE. Ces textes ont évolué au cours du temps, en particulier en 2005, en 2011 (Six pack) et 2013 (Two pack). Nous présentons ci-après les principaux éléments de la version actuellement en vigueur.
Le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) ou « Fiscal Compact »
Entré en vigueur en janvier 2013, le TSCG n’est pas un traité européen mais un accord intergouvernemental notegouveco10 et à ce titre n’est pas inclus dans la gouvernance économique européenne. Sa logique est cependant largement redondante avec le PSC, témoignant, s’il en était besoin, que l’obsession budgétaire est bien issue des Etats membres.
Les principales différences entre le TSCG et le PSC :
- durcissement des règles budgétaires : l’objectif budgétaire à moyen terme n’est plus de -1% du PIB mais de -0,5% du PIB ;
- les Etats signataires s’engagent à transposer ces règles dans leur droit national (alors que ce n’est pas le cas des règles du PSC qui s’appliquent directement). Cette disposition s'inspire de ce qu'avait fait l’Allemagne dès 2009 en introduisant un « frein à la dette » dans sa Constitution. La France a, quant à elle, retranscrit ces règles via une loi organique,
- la Cour de Justice européenne peut être saisie par une des parties contractantes si une autre partie ne transpose pas ces règles dans son droit national.
a) Le volet préventif du PSC
Ce volet repose sur l’article 121 du TFUE qui pose les grands principes et les modes de fonctionnement de la coordination économique.
Les programmes de stabilité et l’Objectif budgétaire à moyen terme (OMT)
Le texte principal de législation dérivée est le Règlement 1466/97 qui institue et décrit les grandes étapes du Semestre européen (voir partie 2) et fixe les dispositions régissant le contenu, la présentation, l’examen et le suivi des programmes de stabilité ou de convergence notegouveco11.
L’objectif de ces programmes est de « prévenir, à un stade précoce, l’apparition de déficits excessifs des administrations publiques et de promouvoir la surveillance et la coordination des politiques économiques en soutenant ainsi la réalisation des objectifs de l’Union en matière de croissance et d’emploi. » (art. 1).
Les Etats membres doivent en particulier y expliciter leur Objectif budgétaire à moyen terme (OMT), indicateur phare du volet préventif, et décrire les moyens qu’ils comptent mettre en œuvre pour l’atteindre.
Cet OMT doit être supérieur à certains seuils. Par exemple, pour les Etats de la zone euro, le solde budgétaire structurel doit être en tout état de cause supérieur à -1% du PIB potentiel, ou plus si le pays présente un ratio d’endettement public supérieur à 60% (voir encadré pour la définition de ces notions). Les États membres dont le solde structurel dévie de façon significative de leur OMT sont tenus de prendre des mesures pour s’en rapprocher. L’effort demandé dépend également de la position dans le cycle, et donc de l’écart entre PIB et PIB potentiel (voir encadré).
Afin de déterminer l’effort demandé ou évaluer les progrès réalisés pour atteindre l’OMT, la Commission peut se baser sur le solde structurel (voir encadré) mais également sur l’évolution des dépenses publiques (nettes de mesures fiscales compensatoires). La croissance de ces dernières doit être calée sur la croissance estimée du PIB potentiel lorsque le solde structurel est suffisamment proche de l’OMT et lui être inférieure lorsque le solde structurel est inférieur à l’OMT.
En cas d’écart important par rapport à la trajectoire d'ajustement prévue vers l'OMT, le Conseil peut, sur proposition de la Commission, lancer une Procédure de déviation significative pouvant mener à des sanctions (en particulier pour les Etats de la zone euro).
Objectif budgétaire à moyen terme et solde budgétaire « structurel »
Les Etats membres de l’Union européenne sont tenus de présenter leur OMT dans leur programme de stabilité (ou de convergence). Il s’agit d’expliciter les objectifs qu’ils se donnent en termes d’excédent ou de déficit budgétaire (de l’ensemble des administrations publiques) pour les années à venir.
Ce solde budgétaire est défini en terme « structurel » c'est-à-dire qu’il s’agit du solde constaté, corrigé de la composante cyclique et « déduction faite des mesures ponctuelles et temporaires ». La composante cyclique est calculée en fonction de l’écart entre le niveau mesuré des activités économiques (le PIB) et le niveau estimé du « potentiel » de production de l’économie (le PIB potentiel) notegouveco12. Un PIB inférieur au potentiel augmente la composante cyclique et réduit l’estimation du solde structurel, et inversement. L’estimation du solde structurel dépend donc de l’estimation du PIB potentiel : plus cette estimation est basse, plus l’estimation du solde structurel est élevée.
Le solde structurel est donc une donnée conventionnelle, déduite d’une variable non observable (le PIB potentiel) dont la définition et le calcul sont contestables et contestés par de nombreux économistes notegouveco13 et sont validés au niveau ministériel. Son calcul fait l’objet de débats techniques délicats qui occupent près de six pages dans le Vade-mecum du PSC notegouveco14.
En savoir plus avec notre fiche sur le Pib potentiel et le solde structurel fichepibpotentiel
Les obligations spécifiques aux Etats de la zone euro (Règlement (EU) No 473/2013)
- Soumettre avant le 15 octobre le projet de budget de l’administration centrale pour l’année suivante et les principaux paramètres des projets de budgets des autres sous-secteurs des administrations publiques (c'est-à-dire collectivités locales et organismes de sécurité sociale) ;
- Mettre en place des organismes indépendants chargés de surveiller le respect des règles budgétaires propres à chaque Etat et évaluer les cadres budgétaires. En France, par exemple, il s’agit du Haut Conseil des finances publiques.
b) Le volet correctif du PSC
Le volet correctif du PSC repose sur l’article 126 du TFUE qui détaille la « procédure concernant les déficits excessifs ». Les principes de base posés dans les traités ont été largement complétés et développés dans différents règlements européens (voir en particulier le le Règlement n° 1467/97).
La « procédure concernant les déficits excessifs » (PDE)
Malgré son nom, la PDE ne concerne pas que le critère du déficit mais aussi celui de la dette notegouveco15. Elle peut être déclenchée quand le déficit public est supérieur à 3% ou quand la dette publique est supérieure à 60% du PIB et ne diminue pas à un rythme satisfaisant notegouveco16.
La Commission européenne est en charge d’instruire la décision de lancement de la PDE. Elle transmet un avis et une proposition au Conseil qui peut sur cette base décider qu’il y a bien déficit excessif et adresser des recommandations à l’Etat concerné en vue d’améliorer son solde budgétaire structurel d’au moins 0,5% chaque année ou de réduire suffisamment sa dette.
Les Etats de la zone euro soumis à une PDE doivent en plus remettre régulièrement des rapports sur l'exécution budgétaire dans les administrations publiques et présenter un « programme de partenariat économique » décrivant les réformes budgétaires et structurelles qu'ils entendent mener pour corriger leurs déficits notegouveco17.
En l’absence de mesures prises par l’Etat concerné, le Conseil enclenche chacune des étapes suivantes de la procédure jusqu’aux sanctions financières. A noter que depuis la réforme de 2011, l’imposition de la plupart des sanctions pour les pays de la zone euro est semi automatique notegouveco18.
Tous les Etats de l’Union européenne ont fait à un moment ou un autre l’objet d’une PDE. Fin 2021 seule la Roumanie était encore soumise à cette procédure.
La surveillance renforcée des Etats de la zone euro
Une « surveillance renforcée » est prévue pour les Etats de la zone euro :
- dont le système financier ou les finances publiques connaissent de sérieuses difficultés (c’est alors la Commission qui décide de lancer la procédure sur la base des analyses qu’elle réalise concernant les déséquilibres macroéconomiques _ voir partie 4) ;
- demandant une assistance financière à un autre Etat, au Mécanisme européen de stabilité, au FMI (la procédure est alors automatique).
Cette procédure est destinée à limiter le risque de contagion que l’Etat concerné fait courir au autres pour la stabilité de leur système financier ou le financement de leur dette publique.
Cinq Etats de la zone euro (Chypre, la Grèce, le Portugal, l’Irlande et l’Espagne) ont à ce jour été soumis à une surveillance renforcée en raison de leur demande d’assistance financière. A l’exception de la Grèce qui est toujours sous le coup de cette procédure, les autres pays sont en situation de surveillance « post programme » (voir encadré).
La « surveillance renforcée » et les programmes d'ajustement macroéconomique
Un Etat soumis à une « surveillance renforcée » doit fournir trimestriellement un rapport sur l'exécution budgétaire dans les administrations publiques et des informations régulières sur son système financier. Il fait également l’objet de missions régulières d’évaluation de sa situation économique, budgétaire et financière menées par la Commission, en lien, s’il y a lieu, avec la BCE et le FMI.
Les Etats ayant demandé une assistance financière doivent de plus fournir un « programme d'ajustement macroéconomique » dont l’objectif est de remédier « aux risques spécifiques qu’il fait peser sur la stabilité financière de la zone euro et vise à rétablir rapidement une situation économique et financière saine et durable ainsi qu'à restaurer la capacité de l'État membre à se financer intégralement sur les marchés financiers. » Ce programme est suivi par la Commission, en lien avec la BCE et le FMI (s’il y a lieu), et peut être régulièrement mis à jour sur décision du Conseil.
Une fois le programme d'ajustement macroéconomique mis en œuvre, le pays fait l’objet d’une surveillance post programme jusqu’à ce qu’il ait remboursé au moins 75% des fonds prêtés.
Source : Règlement (UE) n ° 472/2013 (article 7 pour la citation)
Les Etats de l’UE non membres de la zone euro peuvent également solliciter une assistance financière lorsqu’ils connaissent des difficultés dans la balance des paiements courants ou dans celle des mouvements de capitaux (Voir le Règlement 332/2002 du Conseil amendé en 2008 et 2009).
Le pays demandeur doit alors soumettre un programme d’ajustement décrivant les conditions de politique économique (mesures visant à garantir la solidité des finances publiques et la stabilité du secteur financier, des réformes structurelles destinées à améliorer la compétitivité et la croissance économiques) à remplir avant le déblocage des fonds. Sur cette base, la Commission et l’Etat concerné signent un protocole d'accord (Memorandum of understanding - MoU) reprenant le programme d’ajustement ainsi qu’un accord de prêt.
L’Etat concerné est soumis à des vérifications régulières de la Commission quant au respect des conditions du MoU. L'aide financière est débloquée par étapes à la suite de ces vérifications.
> En savoir plus sur les conditions d’assistance financière des pays membres de l’UE ainsi que la liste des Etats soumis à des programmes de surveillance financière sur le site de la Commission.
c) Encadrement méthodologique et interprétatif
Encadrement de la production statistique, comptable et budgétaire des Etats
Ce cadre méthodologique concerne notamment les systèmes de comptabilité budgétaire et d’information statistique, les prévisions macroéconomiques entourant les projections budgétaires (les différences avec les prévisions macroéconomiques réalisées par la Commission doivent notamment être expliquées), l’élaboration des règles budgétaires chiffrées dont se dotent les Etats membres ainsi que la mise en place du cadre budgétaire à moyen terme.
> Voir la Directive n°2011/85/UE (sur le cadre budgétaire) et le Règlement 479/2009 (qui encadre les définitions statistiques).
Trois documents non législatifs apportent des lignes directrices et interprétatives du PSC
Le Code de conduite du PSC (2017) fournit des lignes directrices sur le format et le contenu des programmes de stabilité et de convergence. Il précise également certains aspects importants de la mise en œuvre du Pacte de stabilité et de croissance, parmi lesquels la position commune sur les règles de flexibilité (voir point suivant).
Le Code de conduite du Two-Pack notegouveco19 fournit des lignes directrices sur le format et le contenu des projets de plans budgétaires, des programmes de partenariat économique, entre autres.
Le Vade-mecum est un manuel préparé par la Commission européenne qui présente les procédures et méthodologies pour la mise en œuvre du Pacte de stabilité et de croissance et notamment tous les éléments servant au calcul de l’Objectif budgétaire à moyen terme et des critères de dettes et de déficit.
d) Les marges de flexibilité du Pacte de Stabilité et de Croissance
Pour permettre aux États membres de répondre à la pandémie de COVID-19, l'Union européenne a suspendu ses règles budgétaires dès mars 2020 via l'activation de la « clause dérogatoire générale » du Pacte de stabilité et de croissance. Il existe en effet des marges de flexibilité permettant de déroger aux règles du PSC et ceci y compris dans les traités européens.
Les clauses dérogatoires
Selon l’article 126 du TFUE, la Commission doit vérifier que le déficit public n’est pas supérieur à 3% du PIB « à moins que le dépassement de la valeur de référence ne soit qu'exceptionnel et temporaire ».
Cette notion est précisée dans la législation secondaire « Le dépassement de la valeur de référence fixée pour le déficit public est considéré comme exceptionnel (...) s’il résulte d’une circonstance inhabituelle indépendante de la volonté de l’État membre concerné et ayant des effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques, ou s’il est consécutif à une grave récession économique. » (Art. 2 du Règlement 1467/97 _version consolidée)
C’est la base des deux clauses dérogatoires aux règles du PSC notegouveco20.
- La clause dérogatoire générale permet de suspendre les règles du PSC comme cela a été le cas à la suite de la pandémie de COVID-19.
- La clause relative aux circonstances inhabituelles permet d’exclure certaines dépenses (liées à des circonstances échappant au contrôle des gouvernements) des évaluations de conformité au PSC réalisées par la Commission.
Les clauses de flexibilité visant à promouvoir les réformes structurelles et les investissements
Ces clauses reposent sur l’article 126-3 du TFUE : quand un Etat membre ne respecte par les critères du PSC, la Commission doit examiner « si le déficit public excède les dépenses publiques d'investissement » et tenir compte « de tous les autres facteurs pertinents, y compris la position économique et budgétaire à moyen terme de l'État membre. »
Dans la législation secondaire, ces clauses ont été principalement retranscrites dans le volet préventif du PSC. Elles peuvent donc être mobilisées pour s’écarter temporairement de l’Objectif budgétaire à moyen terme mais beaucoup plus difficilement pour justifier un déficit public supérieur à 3% du PIB. Par ailleurs, le Code de conduite du PSC, 2017 détaille la position commune sur la flexibilité dans le PSC et donne une interprétation très restrictive des différentes clauses.
Dans quelles mesures les Etats membres de l’UE ont-ils respecté le Pacte de stabilité et de croissance ?
Ce graphique permet de visualiser pour chaque année le nombre d’Etat étant entièrement conforme au PSC (en vert non hachuré) ou sur la voie de leur MTO (en bleu) et ceux qui sont soumis à différentes procédures au titre du PSC (en rouge : procédure de déficit excessif ; en jaune : procédure de déviation significative ; en violet : programme d’ajustement économique dans le cadre de la surveillance renforcée).
La surveillance des déséquilibres macroéconomiques
La crise financière de 2007-2008 a mis en évidence l’insuffisance des critères relatifs aux finances publiques. D’autres déséquilibres macroéconomiques, tels l’excès de dette privée ou un déséquilibre de la balance des paiements, sont susceptibles de déstabiliser l’économie de l’UE et de la zone euro.
Les mesures de coordination économique jusque là centrées sur la surveillance budgétaire, ont donc été complétées en 2011 par la surveillance des « déséquilibres macroéconomiques » (Voir le Règlement 1176/2011).
Déroulement de la surveillance des « déséquilibres macroéconomiques »
Au lancement du Semestre européen, la Commission élabore le « Rapport sur le mécanisme d'alerte » et le publie avec les autres documents du paquet d’automne.
Ce rapport est principalement fondé sur un tableau de bord de quatorze indicateurs (voir encadré) auxquels sont associés des seuils d’alerte.
Lorsque ces seuils sont dépassés, la Commission réalise un « bilan approfondi » notegouveco21 pour évaluer si le pays présente des risques de déséquilibres macroéconomiques.
Si, sur la base du bilan approfondi, la Commission considère que l’État concerné est touché par des déséquilibres excessifs, le Conseil peut ouvrir une « procédure concernant les déséquilibres excessifs ». Contrairement aux procédures budgétaires, il n’y a pas d’automaticité entre le niveau des indicateurs et le déclenchement de la procédure qui s’opère sur base d’un jugement circonstancié. L’Etat concerné reçoit des recommandations et doit fournir un plan de mesures correctives. La procédure peut aller jusqu’à des sanctions (définies dans le Règlement 1174/2011).
Les indicateurs de déséquilibres macroéconomiques
Les 14 indicateurs du tableau de bord portent sur les déséquilibres externes (position extérieure des pays, taux de change, compétitivité) ou internes (prix du foncier, secteur financier, endettement public et privé) ainsi que sur l’emploi (taux d’activité, taux de chômage). Il n’y a donc toujours aucun indicateur écologique malgré la prise de conscience croissance des risques financiers systémiques liés au réchauffement climatique.
Quant aux indicateurs d’emplois, ils n’ont été introduits qu’en 2015. Destinés à assurer un suivi des conséquences sociales des efforts d’ajustement, ils n’ont pas le même rang que les autres : des évolutions très négatives de l’emploi ne sont pas considérées comme faisant peser en soi un risque sur la stabilité financière.
C’est ce qu’a affirmé le Conseil lors de l’introduction de ces indicateurs, en se disant « préoccupé par le fait que la Commission ait ajouté trois nouveaux indicateurs en matière d'emploi au tableau de bord » et en soulignant que « que les indicateurs sociaux et ceux relatifs au marché de l'emploi ne sont pas pertinents pour identifier des risques macrofinanciers et que l'évolution de ces indicateurs ne peut pas déclencher la prise de mesures dans le cadre de la PDM. » notegouveco22
> Plus de détails dans le Compendium (2016) qui fait le point sur la mise en œuvre de la procédure de déséquilibres macroéconomiques cinq ans après son introduction.
Pour en savoir plus
Un excellent document de synthèse de l’ONG Finance Watch permettant de comprendre au fil des réformes successives les différentes étapes et les points clefs de l’élaboration de la gouvernance économique européenne.
Les principaux textes juridiques encadrant la gouvernance économique européenne. Nous mettons ici systématiquement les liens vers les versions consolidées des actes législatifs (donc intégrant les modifications successives)
Les procédures relevant de la gouvernance économique : explications détaillées, liste des pays qui sont sous le coup de ces procédures (ou y ont été soumis).