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FICHE Qu’est-ce qu’un coût ?
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Qu’est-ce qu’un coût ?
Les mots de l'éco
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La notion de coût, au cœur du raisonnement économique, est employée en permanence dans la vie courante. L’économie est parfois définie comme l’art - ou la science - permettant d’atteindre des objectifs au moindre coût. Pourtant, la signification de ce mot est beaucoup moins évidente qu’il n’y paraît. Cette fiche vise à préciser ces notions, ce qui est évidemment indispensable pour savoir de quoi on parle quand on vise, par exemple, à minimiser les coûts de la réduction des émissions de gaz à effet de serre ou plus généralement à chercher les solutions les plus économiques donc « au moindre coût ». La notion de coût ne se limite pas à la notion de dépense Pour la plupart d’entre nous, le coût est une notion d’apparence assez simple : un coût, c’est une dépense. Mais ce n’est qu’apparence : quand on dit « faire ceci va me coûter », on ne pense pas nécessairement à de l’argent. Cela peut être un effort physique, un effort ou un préjudice moral. Cela peut être du temps. Le coût pour un individu n’est donc pas toujours exprimé de manière monétaire et ne se limite en fait pas à ses dépenses monétaires. D’un point de vue économique, un coût peut être vu comme un prélèvement sur une ressource (du pétrole, du travail) : construire une maison « coûte » du ciment, du béton, des tuiles, de l’énergie, de l’eau, du travail humain etc. La monétisation (la traduction ou l’expression en monnaie) de ces coûts ne doit pas nous tromper : les coûts ne sont pas les euros (qui ne sont que des symboles et ne disparaissent pas quand ils sont « dépensés ») mais les réalités qu’ils mesurent. 1.1 Des actions rentables peuvent ainsi être trop coûteuses du point de vue d’un ménage Cette première distinction entre coût et dépense permet de comprendre que des actions apparemment rentables économiquement (c’est-à-dire qui rapportent plus d’argent qu’elles n’en coûtent) ne sont pas toujours réalisées. Par exemple, il peut être monétairement rentable pour un ménage ayant les moyens d’investir de faire isoler son logement : les économies d’énergie (et donc la baisse de la facture énergétique) permettent de rembourser le coût initial des travaux et le coût de son financement. Malgré cela, et malgré le fait que l’isolation des logements soit promue par les scientifiques, les ONG et les pouvoirs publics comme un chantier majeur pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, le volume des travaux peine à décoller. L’explication de cet apparent paradoxe réside dans le fait que les ménages doivent supporter de nombreux coûts cachés, non intégrés dans les simples dépenses d’isolation : le temps de réflexion et de négociation au sein du ménage, la recherche et le choix de solutions et d’entreprises, le risque de ne pas choisir la bonne solution, l’arbitrage entre ces dépenses d'investissement importantes (et cette énergie mentale) et celles nécessaires pour les vacances, etc. 1.2 Du point de vue d’une entreprise, un coût est bien une dépense Dans le monde de l’entreprise, c’est en général un peu plus simple. Un coût pour l’entreprise, c’est une dépense. Il faut payer le temps ou l’effort des employés (via le salaire), donc dépenser de l’argent. En comptabilité, toutes ces dépenses sont comptées dans les charges de l’entreprise, tandis que les recettes sont comptées dans les produits ; le solde des deux permet de déterminer si l’entreprise fait ou non un bénéfice (en savoir plus dans le module sur la comptabilité d’entreprise). Inversement ce qui n’a pas d’impact dans la comptabilité ne compte pas. C'est le cas par exemple quand l’entreprise détruit ou pollue des espaces naturels sans rien payer en contrepartie. 1.2.1 Une nuance dans cette assimilation entre coûts et dépenses : provision et amortissement Certains coûts comptabilisés ne sont pas des dépenses induisant des sorties d’argent. C’est le cas des amortissements et des provisions. Amortir consiste à étaler comptablement un investissement sur plusieurs années. Une dotation aux amortissements ne se traduit donc pas simultanément par un flux monétaire (le flux monétaire total ayant lieu au moment du paiement de l’investissement). Les provisions sont comptées dans les charges sans pour autant constituer une dépense monétaire proprement dite. Une provision est une charge que des événements survenus ou en cours rendent probables, mais dont l'échéance ou le montant n'est pas fixé de façon précise. Par exemple un procès en cours avec un tiers à la suite d’un litige, une provision pour démantèlement 1.2.2 Les différentes significations du coût pour l’entreprise : quelques définitions Même quand il est assimilé à une dépense, le terme coût prend différentes significations selon la personne qui l’emploie et les adjectifs qu’on lui associe. Ainsi, pour un entrepreneur, les différents types de coût correspondent à différents moments de la vie de l’entreprise (traduits dans la comptabilité ou dans les documents de gestion internes). Prenons l’exemple d’une entreprise industrielle. Le coût direct (également appelé « coût de revient direct » ou « prix de revient direct ») de production (et plus précisément de production d’un produit donné) désigne l’ensemble des charges nécessaires à la production courante : les salaires et les achats directement utilisés ou consommés dans cette production. Mais l’entreprise a également d’autres charges qui sont alors dites « indirectes » (des dépenses d’étude, de commercialisation, de gestion administrative etc.). Elle peut aussi avoir des investissements à amortir, des charges liées à ses emprunts (intérêt et remboursement du principal). Elle peut affecter à la production une partie de ces charges indirectes et en déduire un coût de revient (ou prix de revient) « complet » de la production ou du produit considéré. Ces différents types de coût sont des indicateurs pour l’entrepreneur qui lui permettent de prendre (ou de faire prendre par ses collaborateurs) des décisions de gestion : la construction des prix de vente, qui doivent absorber les coûts, les volumes de production à lancer, les travaux éventuels à sous-traiter etc. Les termes « coût moyen » et « cout marginal » sont plutôt utilisés par les économistes. Le coût moyen d’un produit c’est le coût total divisé par le nombre d’unités produites. Le coût marginal c’est le coût de la dernière unité produite. Cette notion est souvent utilisée dans l’économie de l’électricité par exemple (voir notre fiche sur le secteur électrique La notion de « coût d’abattement », très utilisée dans les débats sur la lutte contre le changement climatique, désigne le coût (calculé monétairement) d’une action donnée rapportée aux émissions de CO2 qu’elle permet d’éviter. Pour en savoir plus1.3 Au niveau macroéconomique ou collectif : les dépenses des uns sont les recettes des autres D’une part, certains coûts ne sont pris en considération ni dans la comptabilité des entreprises, ni dans celle des administrations. C’est par exemple le cas de la destruction du patrimoine naturel, qui est bien un prélèvement sur une ressource. D’autre part, les dépenses des uns sont les recettes des autres : quand une entreprise verse un salaire, ce dernier constitue une dépense pour l’entreprise mais un revenu (une « recette ») pour le salarié. Ainsi, si l’on s’intéresse à deux acteurs A et B, le coût (monétaire) pour A+B n’est pas l’addition des coûts (monétaires) pour A et pour B mais leur « consolidation » : dans notre exemple, le salaire représente un coût nul pour l’ensemble constitué par l’entreprise et le salarié. Concrètement, cela veut dire que le coût monétaire d’une action donnée est un terme qui n’a de sens que si l’on précise pour qui est ce coût. C’est notamment évident pour les dépenses publiques, dont le raisonnement commun (« il faut les réduire ») oublie toujours qu’elles ont pour contrepartie des recettes qui rentrent dans la poche d’un autre. Comme nous l’avons expliqué dans le module sur la dette et le déficit publics, « la dette et le déficit des uns sont l’épargne et l’excédent des autres ». On peut tirer deux premières conclusions à ce stade :
Un coût, ce n’est pas de l’argent qui disparaît Comme nous l’avons expliqué dans le module sur la monnaie, l’argent est depuis des décennies créé ex nihilo par un simple jeu d’écritures lorsque les banques accordent des crédits. Une fois créé, il circule de poche en poche et ne disparaît pas. Quand on dit « cet objet me coûte 50 euros », le mot coût n’est pas employé dans le sens de « consommation de ressources », car les 50 euros ne sont pas consommés (l’argent n’étant pas comestible) ; ils sont simplement déplacés. Cette expression est donc une « métonymie », comme par exemple l’expression « boire un verre ». De la même manière quand on parle d’hommes d’affaire qui savent « faire de l’argent », cela ne veut pas dire qu’ils savent en créer ex nihilo - ce qui est un privilège bancaire- (sauf si ce sont des faux monnayeurs !), mais qu’ils savent remplir leurs poches d’argent qui vient d’autres poches … Pourtant, le langage courant nous pousse à considérer que l’argent disparaît ou est « englouti ». On apprend ainsi en lisant le Monde du 9 mai 2008 qu’un trader londonien « a brûlé » 250 millions de dollars pour créer son hedge fund. On apprend ailleurs qu’un lot de drogues a été brûlé et que ce sont des millions qui sont partie en fumée. L’argent de la drogue a-t-il vraiment été brûlé ? Évidemment non. Les drogues, elles, ont brûlé pour de vrai. L’explication de ces écarts de langage tient au fait que pour un acteur microéconomique (un ménage, une entreprise, une administration), l’argent est perçu comme l’équivalent d’un pouvoir d’achat : quand l’argent est dépensé, ce pouvoir d’achat est consommé et donc disparaît. En revanche, au niveau macroéconomique, cet argent circule et ne disparaît pas. L’argent ne se consommant pas, le coût, ce n’est pas de l’argent qui disparaît. Le vrai coût est d’une autre nature : c’est la destruction de ressources réelles non renouvelables. Le vrai coût pour la collectivité : la destruction des ressources naturelles Un coût est, par définition, une consommation de quelque chose qui disparaît, un prélèvement sur une ressource. 3.1 Les économistes assimilent les coûts, au sens de consommation de ressources, aux charges des entreprises Quand une entreprise consomme une matière achetée ou qu’elle utilise de la main d’œuvre, les comptables inscrivent une charge dans ses comptes. Pour les économistes, cette charge est un coût parce qu’ils considèrent que l’entreprise consomme une ressource. De plus, pour la plupart des économistes, le prix d’un bien ou d’un service « consommé » révèle convenablement son coût. C’est par exemple ce qu’exprime Marcel Boiteux, économiste reconnu et ancien président d’EDF, dans une note très claire mais discutable : « Heureusement, il y a un vieux « truc », qu’on utilise depuis des siècles et qui ne fonctionne pas si mal. Le procédé consiste à affecter à chaque rareté élémentaire, (l’hectare de terre arable, la tonne de cuivre, l’heure d’ouvrier qualifié, etc.) un coefficient plus ou moins élevé suivant l’intensité des besoins, coefficient que l’on appelle un prix. On multiplie par ce prix la quantité totale de la ressource rare mobilisée tout le long de la chaîne de production – cette quantité que révèle le bilan consolidé – et l’on obtient un coût. Les coûts consolidés obtenus successivement pour chacune des ressources rares utilisées à fabriquer le produit final peuvent être ensuite additionnés pour fournir un total … que l’on appelle un prix de revient. Et, à résultat égal, la meilleure solution est celle qui coûte le moins cher, puisque c’est celle qui mobilise le moins de raretés primaires, respectivement pondérées par leur prix. Banalité ? C’est pourtant là le sens profond du prix de revient dans une économie de marchés. Certes, les marchés sont imparfaits, et le prix est parfois alourdi, ici ou là, de bénéfices indus (indus parce qu’excédant le bénéfice normal qui rémunère la rareté intrinsèque des bons patrons ou des investisseurs avisés, tout au long de la chaîne des activités qui va des ressources primaires au consommateur final). Mais le système fournit quand même des ordres de grandeur bien plus significatifs que les intuitions transcendantes des militants des grandes causes du moment. » 3.2 Cette assimilation des charges d’une entreprise à des coûts, au sens de prélèvement de ressources, est erronée Tout d’abord, cette assimilation n’a strictement rien d’évident a priori. La comptabilité d’entreprise n’a pas été faite pour conduire à une optimisation de l’usage des ressources collectives. Elle a été créée pour permettre à un entrepreneur de relier les flux de produits et de charges à la variation de son patrimoine. Le lien entre l’activité individuelle des acteurs économiques et l’ « optimum social » n’a commencé à être analysé (avec l’apparition de la « science économique ») que bien des siècles après la naissance de la comptabilité. Ensuite et surtout, la finitude du monde et le postulat de « soutenabilité forte » 3.2.1 Le vrai coût de nos activités, c’est la destruction de notre patrimoine naturel Si l’on considère que, d’une part, nous piochons collectivement dans un ensemble fini de ressources naturelles tout en bénéficiant de services écosystémiques gratuits Confions à un Martien le soin de surveiller la fabrication de la partie métallique d’une pioche. Il voit le minerai sortir de la mine, devenir barre puis pioche et enfin disparaître à l’usage. Il voit le minerai s’épuiser peu à peu. Il constate également que cette fabrication a consommé de l’énergie et de l’eau. Enfin, il voit que cette production a créé des pollutions qui affaiblissent les ressources naturelles et certaines capacités de régulation de la planète. La production de pioches, se dit-il, coûte du minerai de fer et de l’énergie et engendre des pollutions. Il voit également que cette production a procuré du travail à des humains. Ce qui est assez curieux c’est que le coût-matières, celui qui compte vraiment aux yeux du Martien, est précisément celui que la comptabilité ne prend pas vraiment en compte. En effet, elle ne compte que ce qui circule d’une poche à une autre, d’homme à homme, d’entreprise humaine à entreprise humaine. Comme nous l’avons expliqué dans le module sur la comptabilité, la nature ne se fait payer ni pour les services qu’on en tire, ni en contrepartie des préjudices qu’elle subit. Elle n’encaisse aucune recette et n’est à l’origine d’aucune dépense. 3.2.2 En résumé, les coûts de la comptabilité consistent exclusivement en un empilement de revenus humains Ces revenus peuvent prendre la forme de salaires ou de dividendes et autres revenus du capital tels que les rentes que touche par exemple un propriétaire foncier du seul fait de la valeur du terrain ou des ressources qui sont dans le sous-sol. Eclairons cela plus précisément : les achats d’un ménage constituent les ventes d’une entreprise, donc les revenus qui lui permettent de payer des salaires, des achats et de distribuer des dividendes etc. Il en va de même pour les entreprises : la société acheteuse apporte des revenus à son fournisseur qui peut payer salaires, achats etc. Autre exemple : pour une banque, les frais financiers sont des éléments du produit bancaire qui peuvent ensuite être versés sous forme de salaires, d’achats, de dividendes et ainsi de suite. Donc si l’on considère l’ensemble de l’économie : tous les achats sont en réalité à peu près équivalents à tous les salaires et autres revenus versés. Ce choix comptable est particulièrement pertinent pour les entrepreneurs, dans la défense de leurs intérêts individuels, et sur le plan collectif, dans un monde qui veut réduire en permanence la part de main d’œuvre dans la production : on ne gère bien que ce que l’on compte. En revanche, il est devenu inadapté dans un monde où les raretés se sont inversées : ce n’est plus le travail qui est rare, mais les ressources naturelles. Economiser du travail est même devenu aujourd’hui parfois la pire des choses : le remplacement de l’homme par la machine met l’homme au chômage, ce qui coûte (comptablement et/ou humainement) à tout le monde ; inversement mettre tout le monde au travail, cela rapporte à tout le monde. Résumons-nous : la fabrication de pioches, comme celle de n’importe quel produit, coûte à la collectivité matière et énergie (non renouvelables), procure du travail et rapporte de l’argent à celui qui la vend. Comment mesurer le coût du travail ? Le raisonnement précédent est un peu excessif : le travail humain est quand même fini. Il est opportun pour une collectivité de ne pas le gaspiller et donc d’avoir conscience du fait que cela coûte de faire travailler. Creuser des trous, les reboucher puis les creuser à nouveau, ce n’est sans doute pas la meilleure des choses à faire sur le plan économique ! En outre, le travail peut être pénible, être source de maux de santé, voire peut réduire l’espérance de vie. Au niveau individuel, ce peut être un coût. Nous allons raisonner par la suite au niveau collectif. Enfin, le travail est très hétérogène. Le travail humain a un coût d’opportunité (voir encadré), d’autant plus important qu’il est difficile à remplacer (le tour de main d’un chirurgien est plus difficile à remplacer que celui du manœuvre non spécialisé). Définition : le coût d’opportunitéUn coût d’opportunité se mesure à la perte provoquée par le non emploi d’une ressource à un usage. Au niveau individuel, c’est une notion principalement monétaire qui peut être présentée ainsi : si je suis capable de gagner 200€ de l’heure et si je fais un travail payé à 20€ de l’heure, ce travail a pour moi un coût d’opportunité de 180€. Dans une entreprise de conseil, affecter des consultants à des travaux rémunérés à un niveau de 100 euros alors qu’ils pourraient être affectés à d’autres rémunérés à 300 euros a un coût d’opportunité de 200 même si l’entreprise encaisse effectivement un revenu de 100 euros. Au niveau collectif, le coût d’opportunité peut s’exprimer de manière non monétaire ; on peut l’appeler « perte d’opportunité » pour rester plus global. Affecter des espaces à l’urbanisation coûte ainsi une perte de biodiversité à la collectivité tandis qu’affecter des travailleurs très qualifiés à des tâches « banales » est un « gaspillage », dit autrement, une perte d’opportunité. Néanmoins, quand des millions de personnes cherchent du travail, cela veut dire que le coût du travail pour la collectivité est nul, voire négatif. Il serait donc infiniment préférable de faire travailler ces personnes que de gaspiller les ressources énergétiques (en remplaçant le travail humain par des machines), qui sont, elles, « coûteuses » au vrai sens du terme. Si les mettre au travail peut coûter aux finances publiques de l’argent (dont on a vu qu’il ne disparaissait pas, et pour aller plus loin voir le module dette et déficit publics), ce « coût » est sans commune mesure avec le double gaspillage ainsi évité. A l’inverse certaines catégories de travailleurs peuvent manquer alors qu’elles apportent des services majeurs (c’est le cas par exemple des personnels de santé, en France depuis la crise du COVID) et leur coût d’opportunité pour la collectivité est élevé et donc mal évalué par leur coût comptable. Le vrai coût du travail pour la collectivité dépend donc de l’état du marché du travail (qu’il faut segmenter soigneusement, car certaines compétences peuvent manquer quand d’autres sont en quantité excessive). La convention habituelle qui consiste à exprimer monétairement le coût du travail par ce qu’il coûte aux employeurs (salaire net augmenté des charges sociales), qu’ils soient publics ou privés, n’est pas satisfaisante pour un raisonnement qui vise à réduire les coûts vus de la collectivité. Il serait préférable de moduler ces coûts par la rareté relative de la qualification concernée. L’Etat doit intégrer dans ses décisions les coûts pour la collectivité En tant qu’entreprise de services et redistributeur, l’État a des dépenses et des recettes. Les dépenses de l’État sont des coûts « microéconomiques » (c'est-à-dire relevant d’un acteur). Ils sont mesurés par la comptabilité publique comme les dépenses d’une entreprise sont mesurées par les comptables privés. Ce ne sont pas des coûts pour la collectivité (au sens que l’on a défini précédemment, de prélèvement de ressources). Deux exemples montrent comment cette façon de raisonner assimilant l’État à une entreprise a conduit à des conclusions erronées. Dans les deux cas, le manque d’argent public, considéré souvent comme la contrainte essentielle par la majorité des observateurs, ne l’a pas été.
Néanmoins, le budget de l’État n’est pas infini, il faut donc bien choisir les dépenses à effectuer. Mais il y a une grande différence entre piloter l’action publique en utilisant un raisonnement « macroéconomique » sous contrainte budgétaire, et le faire en se fondant uniquement sur des critères microéconomiques. Dans le raisonnement « macroéconomique », le critère de coût à utiliser est par construction un critère de « coût collectif » ; on peut l’appeler « coût macroéconomique ». La fable de l’Ile de Pâques aide à comprendre la différence. Avec un raisonnement purement microéconomique visant à économiser les charges comptables, le roi de l’île de Pâques réaliserait ses statues monumentales en économisant la main d’œuvre, coûteuse, et en utilisant du bois énergie à forte dose. Avec un raisonnement macroéconomique, le roi, conscient de la nécessité de reconstituer en permanence le capital forêt de la collectivité, limiterait la production de statues au maximum compatible avec les ressources humaines… et avec un usage raisonné du bois énergie Conclusion : gérer les comptes de l’État en bon père de famille n’est pas les gérer comme un chef d’entreprise. La gestion du secteur public doit intégrer en priorité un critère de coût macroéconomique.
Les différentes méthodes d’analyse des choix publics, tout comme le cœur de la théorie économique du choix social Nous allons voir ici pourquoi ces théories sont inappropriées.
Selon les théories mentionnées précédemment, chaque agent économique cherche à maximiser sa satisfaction, appelée utilité Pour la collectivité, le « bien-être social » est calculé au moyen d’une fonction d’utilité Le raisonnement d’optimisation des économistes consiste alors à chercher une satisfaction collective agrégée (la fonction d’utilité évoquée ci-avant) en limitant au maximum possible les coûts, entendu au sens « microéconomique », donc assimilables aux dépenses agrégées des acteurs. Si nous raisonnons selon le postulat de soutenabilité forte, cette approche devient inappropriée. De fait, elle conduit à ne pas tenir compte de la destruction du capital naturel (puisque son coût même monétaire n’est pas chiffré). Si la collectivité a une fonction d’utilité hédoniste ou consumériste, il est facile de comprendre que son calcul économique rationnel la conduit alors à… l’autodestruction, puisqu’elle ne prend en compte, malgré les apparences, aucun coût macroéconomique dans son calcul ! A nouveau, il est nécessaire de séparer le niveau microéconomique, qui concerne l’analyse du comportement de chaque agent économique (ainsi que l’éventuelle agrégation de ces comportement), et le niveau « macroéconomique », qui tient compte de ressources et gains collectifs, comme les conditions de la survie de la collectivité. 6.2 Le cas particulier des infrastructures publiques peut nous permettre d’approfondir l’analyse Très utilisée dans la planification nationale, l’analyse coûts/avantages vise comme son nom l’indique à faire un bilan des coûts et des avantages (au sens large donc, non limité à la dimension monétaire) d’un projet d’investissement public (une autoroute, un bâtiment, un pont etc.). Elle prend en compte non seulement les recettes et les coûts conventionnels (les charges et les produits au sens comptable), mais également les avantages et les coûts sociaux et environnementaux. Par exemple, si l'on décide de construire une nouvelle autoroute, la méthode ajoute au coût du projet (au sens de l’ensemble des dépenses réalisées sur la période) le « coût » que représente l'enlaidissement d'un paysage naturel, la perte d'un habitat pour une espèce sauvage rare, l'augmentation du bruit et de la pollution atmosphérique, ou plus récemment l’impact sur le changement climatique. Côté avantages, la méthode va chiffrer les gains de temps, les gains en morts et blessés évités, les profits économiques d’un désenclavement etc. Pour chacun de ces différents items, il s’agit d’identifier une métrique et de lui donner une valeur monétaire. Par exemple, pour l’impact sur le changement climatique, on évalue les émissions de gaz à effet de serre (mesurées en tonnes équivalent CO2) générées par l’autoroute (pendant toute sa durée de vie) puis on leur donne un prix. On compare ensuite l’ensemble des « coûts » à l’ensemble des « avantages » pour voir dans quelle mesure le projet est véritablement opportun pour la société. Cette méthode pose évidemment de très nombreux problèmes éthiques et méthodologiques. Comment donner un prix à ce qui n’en a pas Elle pose également un problème de cohérence puisqu’elle met sur le même plan et permet donc la substituabilité complète de valeurs microéconomiques comme le gain de temps individuel et de valeurs macroéconomiques comme la destruction éventuellement irréversible du patrimoine naturel. Conclusion Nous venons de voir que le mot coût a plusieurs significations. Son emploi nécessite d’être clair sur au moins deux plans.
Concernant le coût pour la collectivité, que nous avons appelé coût macroéconomique, il est composé de consommation de ressources naturelles non renouvelables et du travail mobilisé, pour autant qu’il manque ailleurs. La convention qui consiste à évaluer monétairement ces coûts en empilant des coûts microéconomiques est source d’erreurs. Elle peut conduire à gaspiller des ressources rares (les ressources naturelles) et à ne pas recourir à des ressources abondantes (des personnes en quête d’emploi). Notes |