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FICHE La Politique agricole commune
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La Politique agricole commune
Politiques publiques
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Mise en place au début des années 1960, la Politique agricole commune (PAC) est une politique majeure de l’Union européenne. Si elle a permis de faire de l’Europe la première puissance agricole mondiale et de maintenir le revenu des agriculteurs, les nombreuses tentatives de « verdissement » n’ont pas abouti à une réduction des impacts environnementaux de l’agriculture. De plus, malgré un soutien essentiel aux revenus des agriculteurs, la PAC pose de nombreuses questions de justice sociale tant les aides sont mal réparties. La réforme en cours ne semble pas suffisamment ambitieuse pour renverser ces tendances. Les objectifs initiaux de la Politique agricole commune ont été atteints Prévue par le traité de Rome du 25 mars 1957, la PAC n’est entrée en vigueur qu’en 1962. Dans une Europe qui sortait de la guerre, l’un des objectifs essentiels de la PAC était d’assurer l’autosuffisance alimentaire du continent. Le second objectif prioritaire était d’assurer un revenu décent aux agriculteurs et de rapprocher le niveau de vie de cette population de celle des ouvriers de l’industrie. Ces objectifs sont clairement exprimés par l’article 39 du traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne (Traité de Lisbonne). La PAC doit :
L’optique libérale de l’Union avait pour but d’inclure les produits agricoles dans la libre circulation des marchandises, tout en maintenant une intervention publique dans le secteur agricole. Il fallait supprimer les mécanismes d’intervention nationaux incompatibles avec le marché commun et les transposer au niveau communautaire: telle fut la raison fondamentale de la naissance de la PAC. Les autorités publiques européennes ont par la suite toujours cherché à réguler les marchés agricoles et à soutenir les revenus des producteurs. A l’origine de la PAC, l’Europe connaissait des fluctuations de prix importantes dues aux variations des volumes produits résultant à la fois des aléas climatiques et des conditions géographiques. La PAC a cherché à limiter ces fluctuations en sécurisant le revenu par des aides importantes et en réduisant l’impact des fluctuations climatiques en encourageant une agriculture reposant sur plus d’intrants, comme les engrais et les pesticides. L’arrivée de nouvelles machines a aussi permis de réduire les écarts dus aux conditions géographiques. Aujourd’hui, il est possible de constater que les objectifs fixés à l’origine ont été atteints, même si cela s’est traduit par une forte concentration du nombre d’exploitations et des conséquences négatives nombreuses sur l’environnement. Les 2 premiers objectifs prioritaires énoncés en 1962 ont été atteints, comme les autres, même si certains en doutent encore. L’Union européenne est devenue la première puissance agricole mondiale. Les exportations de l’Union représentent 129 Milliards d’Euros en 2015 (produits agricoles bruts et transformés). L’Europe est devenue largement exportatrice dans de nombreux secteurs et notamment les vins, les produits laitiers et les céréales. Source Source : infographie sur le site du ministère français de l'agriculture
Concernant, la question du revenu des agriculteurs, précisons en préalable que les comparaisons à l'euro près avec les revenus des salariés ne sont pas pertinentes et ceci pour plusieurs raisons (une moyenne en agriculture est très trompeuse car la diversité de revenus est bien plus importante que dans d’autres professions ; les revenus des agriculteurs n'intègrent pas de congés payés ; nombre d'agriculteur vivent dans leur ferme : leur loyer ou remboursement d'emprunt peut donc être décompté avant le versement du revenu etc.). Les éléments apportés ci-après doivent donc être pris avec précaution et uniquement pour avoir un ordre de grandeur. Les revenus des agriculteurs français se sont rapprochés, dès les années 1990, des revenus moyen des professions intermédiaires En 2018, selon le réseau d’information comptable agricole (RICA), le Revenu disponible moyen des exploitations agricoles s’élevait à environ 25 300€ par « unité de travail annuel non salariée » (UTA – c'est-à-dire par exploitant agricole) Ce chiffre moyen cache cependant de grandes disparités comme on peut s’en rendre compte sur la tableau suivant qui détaille les revenus selon la taille des exploitations retenues dans l'enquête RICAen différenciant par type d’exploitation. Ainsi, pour les exploitations de taille moyenne (PBS de 25à 100k€), qui représente près de la moitié des exploitations retenues dans l'enquête RICA, le revenu par UTA non salarié est inférieur à 16 000€ par an. A l'inverse, il atteint 45 000 euros pour les plus grosses exploitations. Si le revenu des agriculteurs a progressé dans le temps, c’est notamment grâce aux aides de la PAC. Avantage mais aussi risque : le revenu des agriculteurs dépend, désormais en grande partie des aides de la PAC. Ces dernières représentent, en 2018, 47 % de leur revenu en moyenne. On comprend pourquoi les agriculteurs montrent de l’inquiétude à chaque projet de réforme de la PAC ! Une PAC qui cherche à se verdir dans le temps, mais avec peu de succès Entre 1962 et 1992, les aides de la PAC reposaient sur des aides indirectes à la production. Un système de prix d’achat garanti avait été instauré dans 4 secteurs d’activité : les céréales, le lait, la viande et le sucre. Ce système n’incitait pas le producteur et les transformateurs à chercher des débouchés rémunérateurs. Il a été, en revanche, très efficace pour augmenter les volumes produits et atteindre l’autosuffisance voire la dépasser largement. L’excédent de production a été tel que dans les années 1980/90, l’Union Européenne croulait sous les stocks de beurre, de poudre de lait (avec plus de 1MT de poudre ou de beurre) ou de céréales. Tous ces excédents devaient être exportés avec des aides (restitutions à l’export). Dans les années 1980, les dépenses budgétaires de la PAC étaient telles qu’elles représentaient la quasi-totalité du budget communautaire, limitant le développement d’autres politiques communes, comme la politique régionale dont les besoins s’accroissaient avec l’entrée de la Grèce en 1981 puis de l’Espagne et du Portugal en 1986. Outre l’impact négatif sur le budget communautaire, ces stocks et ces exportations aidées ont eu des impacts négatifs sur le développement des agricultures africaines. Ce système d’aides a aussi contribué à dégrader l’environnement car les agriculteurs ont cherché à intensifier plus en utilisant engrais et pesticides et en développant des ateliers d’élevage de très grande taille à l’origine de pollutions (ex : lisiers à l’origine des pollutions des rivières et des côtes) et de mauvaises qualités d’élevage (mal être animal, utilisation massive d’antibiotiques…). En 1992, la réforme Mac Sharry (du nom du Commissaire européen en charge de l’agriculture) met fin à ce système d’aides indirectes avec prix garantis. La réforme institue des paiements directs aux producteurs, proportionnels à la taille des exploitations. Mais la distribution de ces aides directes est conditionnée au respect du gel d’une partie des terres, nécessaire pour à la fois faire face à la surproduction qui frappe alors la Communauté et réduire l’impact environnemental. Les jachères tournantes avaient pour objectif de diminuer la pression sur les sols et de reconstituer la matière organique. Suite aux pressions des Etats, les jachères ont bien souvent été limitées aux zones les moins productives et l’impact environnemental a été faible. Une nouvelle réforme a lieu en 1999 dans le cadre de l’Agenda 2000. Cette réforme propose notamment une baisse des prix garantis restants pour les rapprocher des cours mondiaux et diminuer ainsi le montant des restitutions aux exportations. Elle incite aussi à un meilleur respect de l’environnement. Enfin, elle introduit la notion de multifonctionnalité de l’agriculture, c’est-à-dire que ce secteur ne permet pas simplement de nourrir la population mais aussi d’entretenir les territoires Ce dernier point a pour objectif de justifier l’existence de la PAC dans un contexte de forte remise en cause. La PAC continue au début des années 2000 à faire l’objet de vives critiques de la part de plusieurs acteurs. L’une des principales critiques porte sur le fait que cette politique profite essentiellement aux grosses exploitations, puisque les aides sont en majeure partie liées aux surfaces et donc aussi à la production. La logique productiviste nuisible à l’environnement et à la sécurité alimentaire est donc toujours maintenue. En 2003, une nouvelle réforme marque une première rupture avec le productivisme. L’objectif est de proposer une agriculture plus respectueuse de l’environnement et de la sécurité alimentaire, tout en permettant aux agriculteurs de bénéficier de revenus plus stables. Cette réforme est très contestée, notamment en France, par les syndicats agricoles car elle met en place le découplage entre production et aides. La plupart des aides directes perçues par les agriculteurs sont remplacées par un paiement unique par exploitation, indépendant de la production. D’un point de vue environnemental, l’originalité repose sur la conditionnalité des aides. Ce paiement unique est subordonné au respect de 18 normes relatives à l’environnement, à la sécurité alimentaire et au bien-être des animaux. Enfin, la réforme introduit la diminution des paiements directs aux grandes exploitations pour remédier à la critique d’une PAC antisociale profitant aux plus gros exploitants. Les paiements sont plafonnés au-dessus d’un certain seuil. Malgré ces différentes réformes et leur volonté de mieux intégrer la prise en compte de l’environnement dans la production agricole, la situation environnementale ne s’améliore guère : l’utilisation des pesticides se maintient à un niveau élevé, la qualité de l’eau ou de l’air ne s’améliore guère et la biodiversité dans le monde rural continue de se dégrader. Une étude du MNHN et du CNRS montre, ainsi, que les populations d’oiseaux du monde agricole se sont effondrées d’un tiers en 15 ans, à un rythme plus rapide que celui des populations d’oiseaux forestiers ou urbains. Quel est le système en vigueur aujourd'hui ? Une nouvelle PAC "plus juste, plus équitable, plus verte et transparente" selon les termes de la Commission européenne a été mise en œuvre le 1er janvier 2015 et s’applique toujours. L’originalité de cette dernière réforme est que pour la première fois depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, le Parlement européen est co-législateur à part entière avec le Conseil. Le 1er pilier de la PAC (orienté économie et soutien au revenu) est principalement constitué des paiements directs aux agriculteurs, qui ont représenté, 72 % du budget total de la PAC (soit environ 295 mds€) sur la période 2014–2020. Ces paiements directs sont eux-mêmes composés de 2 catégories :
Le second pilier vise à promouvoir le développement rural et peut être considéré comme le volet social et environnemental de la PAC. Il se caractérise par plus de flexibilité que le premier dans le sens où les autorités régionales, nationales et locales peuvent formuler leurs propres programmes de développement rural à partir d’un « menu de mesures» européen. Parmi les types de mesures financées, on trouve par exemple : indemnité compensatoire de handicaps naturels, aide à l’investissement, aide à l’installation des jeunes agriculteurs, soutien à la plantation d’arbres pour l’agroforesterie, soutien à la coopération ou au transfert de connaissances entre agriculteurs. Ce pilier peut également comprendre des mesures de revitalisation des territoires ruraux non directement liées au secteur agricole (ex investissements en service de base ou de rénovation des villages tels haut débit, infrastructures touristiques, etc.). Enfin, contrairement au premier pilier qui est intégralement financé par l’Union, le second pilier doit être cofinancé par les Etats membres.
La Cour des comptes, en janvier 2019, fait un constat amer sur la distribution des aides PAC en France La Cour dénonce une répartition très inégale des aides. En 2015, selon elle : "10 % des bénéficiaires (33 000 exploitants) ont perçu moins de 128 € par hectare d'aides directes découplées (droits à paiement de base), alors qu'à l'autre extrémité de la distribution 10 % des bénéficiaires ont perçu plus de 315 €/ha." Les modalités de répartition des aides directes avantagent les grandes exploitations et celles dont les activités sont les plus rentables. Ainsi, en 2015, "le montant de l'aide directe moyenne par exploitant pour les structures les plus grandes (22 701 €) était supérieur de 37% à celui des exploitations les plus modestes (16 535 €), toutes spécialisations confondues". Cette inégale répartition des aides de la PAC est loin d'être l'apanage de la France comme le montre le graphique ci-après. Source Atlas de la PAC (2019)
Sur l‘aspect environnemental, il ressort des travaux menés par la Cour des comptes européenne, le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux et par le monde académique que les effets du verdissement sont considérés comme limités, sinon nuls, du fait d'exigences trop faibles et de régimes d'exemption. Alors pourquoi toutes les réformes engagées depuis 1992 et qui avaient pour but, entre autre, de verdir la PAC ont-elles échoué ? Bien souvent les engagements demandés étaient difficiles à piloter et à vérifier. Par ailleurs les Etats, sous la pression des organisations syndicales agricoles, ont atténué les contraintes environnementales ou mis en place des exemptions nombreuses. Les agriculteurs ont bien souvent lutté contre les mesures environnementales qui modifient leurs pratiques et déstabilisent, dans un premier temps, l’équilibre financier de l’exploitation. Les agriculteurs les plus aisés (grandes cultures, cultures industrielles…) qui bénéficient aussi le plus des aides à l’heure actuelle ne voient pas l’intérêt de s’engager dans des pratiques agro-écologiques. Pour initier cette transition des systèmes agricoles, outre les aides, il est aussi nécessaire d’avoir une formation, une vulgarisation sur la transition des systèmes agricoles élargie aux paysans, techniciens, mais aussi aux conseillers bancaires qui devront appréhender la constitution du revenu de manière différente. Il faut aussi une recherche adaptée et orientée vers ces modèles agro-écologiques. Sur l‘aspect environnemental, il ressort des travaux menés par la Cour des comptes européenne Pourquoi toutes les réformes engagées depuis 1992 ayant notamment pour but de verdir la PAC ont-elles échoué ? Bien souvent les engagements demandés étaient difficiles à piloter et à vérifier. Par ailleurs les Etats, sous la pression des organisations syndicales agricoles, ont atténué les contraintes environnementales ou mis en place des exemptions nombreuses. Les agriculteurs ont bien souvent lutté contre les mesures environnementales qui modifient leurs pratiques et déstabilisent, dans un premier temps, l’équilibre financier de l’exploitation. Les agriculteurs les plus aisés (grandes cultures, cultures industrielles…) qui bénéficient aussi le plus des aides à l’heure actuelle ne voient pas l’intérêt de s’engager dans des pratiques agro-écologiques. Pour initier cette transition des systèmes agricoles, outre les aides, il est aussi nécessaire d’avoir une formation, une vulgarisation sur la transition des systèmes agricoles élargie aux paysans, techniciens, mais aussi aux conseillers bancaires qui devront appréhender la constitution du revenu d’une exploitation de manière différente. Il faut aussi également une recherche adaptée et orientée vers ces modèles agro-écologie. Nouvelle réforme après 2020 : l’environnement enfin pris réellement en compte ? Une nouvelle réforme de la PAC est en cours de négociation. Initialement prévue pour janvier 2021, la nouvelle PAC ne devrait entrer en vigueur qu’en 2023 en raison du retard pris dans les négociations Les aspects budgétaires Le budget alloué à la PAC est négocié au sein du cadre financier pluriannuel 2021-2027 (CFP) de l’Union européenne qui fixe les montants maximums que l'UE pourra dépenser chaque année pour financer ses grandes politiques (marché unique, environnement, migration et gestion des frontières etc.). En juillet 2020, les chefs d’Etats et de gouvernement sont arrivés à un accord Sur ce montant, le budget de la PAC s’élève à 336,4 milliards d’euros (Md€), dont 258,6 Md€ pour le premier pilier (principalement les paiements directs) et 77,8 Md€ pour le second pilier (développement rural). Cela représente une diminution d’environ 12% par rapport à la période budgétaire 2014-2020 Par ailleurs, la part des dépenses agricoles dans le budget de l’Union européenne continue à décroitre Au-delà de l’aspect financier, le cœur de la réforme concerne le modèle de mise en œuvre de la PAC, axé sur les résultats et sur la subsidiarité, qui donne aux États membres un rôle bien plus important dans le déploiement des interventions agricoles. Dans l’avenir, l’Union devrait fixer les paramètres essentiels (objectifs de la PAC, exigences de base, principaux types d’intervention des premier et deuxième piliers), tandis que les États membres devraient concevoir des plans stratégiques pluriannuels en vue d’atteindre les objectifs spécifiques et chiffrés arrêtés en commun. En matière environnementale, la future PAC entend relèver son niveau d’exigences. Encadré par le 1er pilier, un système de « programmes écologiques » volontaires voit le jour. L’idée est d’engager davantage les agriculteurs à mettre en œuvre des pratiques favorables à l’environnement, comme le bio, le stockage du carbone, la certification environnementale… Le succès de cette mesure dépendra de l’enveloppe accordée. En Novembre 2020, la part de l’enveloppe accordée à ces programmes écologiques reste à définir par les Etats membres. Pour bénéficier des paiements directs, les agriculteurs devront respecter des normes environnementales renforcées. Ainsi, les « paiements verts » disparaissent et les 3 critères qui déclenchaient ces paiements (maintien des prairies permanentes, diversité des assolements et maintien des surfaces d’intérêt écologique) vont intégrer l’éco-conditionnalité des aides (à respecter par tous les types de paiements directs). Les éco-régimes (echo scheme) sont le nouvel outil de la PAC pour faire plus vert. Il s’agit de rémunérer les agriculteurs pour services rendus à l’environnement, faisant écho au concept des paiements pour services environnementaux, que l’on voit émerger depuis quelques années. La nouvelle architecture verte serait beaucoup plus flexible dans sa conception et sa gestion, confiée aux autorités nationales. Cette fois encore, les objectifs sont de mieux prendre en compte, les questions d’environnement et de qualité des produits agricoles. Mais cette nouvelle réforme donne un rôle accru aux Etats Membres. A eux de fixer les programmes permettant d’atteindre les objectifs de l’Union. Pour la France, l’on peut s’attendre à de nombreux freins des organisations syndicales majoritaires notamment dans le contexte découlant de la crise sanitaire. Plusieurs études font cependant douter de l’efficacité de la nouvelle PAC pour atteindre les objectifs écologiques de l’Union européenne que ce soit le Pacte Vert (Green Deal), récemment lancé par la nouvelle Commission, ou ses objectifs climatiques. Voici par exemple les conclusions d’un récent rapport réalisé par les chercheurs de l’INRAE et de l’institut AgroParis à la demande de la Commission AGRI du Parlement européen.
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