Qu’est-ce qu’un gaz à effet de serre ?
1.1 Définition de l’effet de serre
L’effet de serre est un phénomène naturel par lequel le rayonnement thermique de la terre est absorbé par certains gaz présents dans l’atmosphère.
Schéma simplifié de l'effet de serre
Plus exactement, le soleil nous envoie son énergie par un rayonnement lumineux (A). Une partie est directement réfléchie par l’atmosphère (B), les nuages (C) ou les surfaces terrestres claires comme les calottes glaciaires ou le Sahara (D). Le reste est absorbée sous forme de chaleur par la terre (E).
Cette chaleur est ensuite partiellement réémise par rayonnement thermique (F) qui est soit perdu dans l’espace (G), soit réfléchi ou réabsorbé par les gaz à effet de serre (H) et donc piégé sur Terre. Plus ces gaz à effet de serre sont présents, moins la Terre évacue de chaleur vers l’espace. Sans eux, la température moyenne à la surface de la Terre serait non pas de 15°C mais de -18°C.
1.2 Quels sont les différents gaz à effet de serre (GES) ?
L’atmosphère est constituée à 77% d’azote (N) et à 21% d’oxygène (O2). Vient ensuite le premier GES : la vapeur d’eau (H2O) qui est présente à 1%, puis d’autres composants en très petite concentration et dans lesquels se trouvent les autres GES (CO2, CH4 etc.).
1.2.1 Il existe deux principales façons de mesurer les gaz à effet de serre
- La concentration atmosphérique des GES mesure le stock de GES contenu dans l’atmosphère. Pour le dioxyde de carbone (CO2), l’unité utilisée est la PPM (partie par millions ou part per millions) qui désigne le nombre de molécules du CO2 par million de molécules atmosphériques. On est passé de 275 ppm avant l’ère industrielle à plus de 400 ppm aujourd’hui (voir partie 2). Pour le méthane (CH4) et le protoxyde d’azote (N2O), l’unité utilisée est la PPB (part per billion ou partie par milliard).
- Les émissions de GES mesurent le flux annuel de GES qui vient augmenter le stock déjà présent. Elles sont mesurées via la tonne-équivalent CO2 qui permet de comparer les GES entre eux. Les émissions mondiales de GES sont passées de 38 GTCO2-eq en 1990 à 59 GTCO2-eq en 2019 (voir partie 3).
Chaque GES possède un temps de résidence (temps moyen pendant lequel une molécule de gaz reste dans l’atmosphère) et un pouvoir réchauffant (capacité d’une molécule de gaz à absorber le rayonnement thermique de la terre et à le transformer en chaleur) différents.
La vapeur d’eau (H2O) est le premier gaz à effet de serre en termes de concentration atmosphérique. Sa concentration atmosphérique n’est que faiblement modifiée par les activités humaines directes car son temps de séjour dans l’atmosphère est d’environ une semaine teneurh2o.
- Elle est présente dans l’atmosphère grâce au cycle naturel de l’eau lors de l’évaporation à la surface des océans.
- Elle est aussi émise par l’Homme à cause de l’irrigation des cultures, du refroidissement des centrales thermiques et des trainées de condensation de l’aviation.
1.2.3 Le dioxyde de carbone
Le dioxyde de carbone (CO2) est le principal GES émis par l’homme et peut rester des milliers d’années dans l’atmosphère teneurco2.
- Il est naturellement émis par la respiration des êtres vivants, la décomposition des matières biologiques et les incendies.
- Il est aussi émis par l’homme lors de la combustion des énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon), par des réactions chimiques à la base de certaines industries (production de ciment) et par la déforestation.
Le méthane (CH4) a un pouvoir réchauffant sur 100 ans 30 fois supérieur à celui du CO2, mais ne reste que quelques décennies dans l’air, après quoi il se décompose en CO2.
- Il se forme naturellement lors de la décomposition des êtres vivants et lors de la digestion de certains ruminants.
- Il est aussi émis par l’homme via l’élevage de ruminants (bovins et ovins principalement), certaines cultures agricoles (notamment le riz), les décharges de déchets, ou encore les fuites lors d’extractions de charbon, de pétrole ou de gaz. Par ailleurs, le gaz qu’on extrait du sol et qu’on utilise dans les centrales à gaz, pour se chauffer, cuire les aliments ou avoir de l’eau chaude est du méthane. Lorsqu’on le brûle (dans notre chaudière par exemple), il se transforme en vapeur d’eau et en CO2 (et aussi en particules plus toxiques comme le dioxyde d'azote (NO2) lorsque la combustion est imparfaite).
1.2.5 Le protoxyde d’azote
Le protoxyde d’azote (N2O) peut rester une centaine d’années dans l’atmosphère et possède un pouvoir réchauffant sur 100 ans 300 fois supérieur à celui du CO2.
- Il est émis naturellement par une grande variété de sources biologiques dans les sols et l’eau (en particulier par l’activité microbienne des sols des forêts tropicales).
- Les activités humaines accentuent ces émissions notamment via l’utilisation d’engrais azotés dans l’agriculture ainsi que le traitement des eaux usées, la combustion des ressources fossiles et certains procédés chimiques.
1.2.6 Les halocarbures (HFC, CFC etc..)
Les halocarbures (HFC, CFC etc..) sont des gaz à effet de serre extrêmement puissants. Il s'agit d'une famille de gaz obtenus en remplaçant, dans une molécule d'hydrocarbure, l'hydrogène par un gaz halogène (le fluor, le chlore, le brome, l’iode ou l’astate).
- Aujourd’hui, ils sont utilisés dans certains procédés industriels (fabrication de mousses plastiques, de composants d'ordinateurs ou de téléphones portables), comme gaz réfrigérants pour la climatisation et la chaîne du froid (les émissions de ce poste proviennent essentiellement des fuites et de la mise en décharge) ou comme gaz propulseurs dans des bombes aérosols. Enfin, certains procédés industriels peuvent également émettre des halocarbures sans que ce soit leur objet (c’est le cas de la fabrication de l’aluminium). Le plus puissant d’entre eux, le SF6, est utilisé dans les cellules électriques moyenne tension.
- Ils n’existent pas à l’état naturel : ils ont été créés car ils sont extrêmement stables et donc pas directement dangereux en cas de contact ou d’inhalation. C’est pour cette raison qu'ils ont remplacé, dans diverses applications industrielles, des gaz qui présentaient des inconvénients sanitaires ou sécuritaires. C’est également cette stabilité qui explique leur très important temps de résidence dans l’atmosphère.
Qu’est-ce que le “trou” dans la couche d’ozone ?
L'ozone est à la fois présent dans la haute atmosphère, où il nous protège des rayons ultraviolets du soleil, et dans la basse atmosphère, où il est un polluant toxique pour l'homme. L'ozone "du haut" et "du bas" ne communiquent pas entre eux : ils ont chacun leur cycle, avec des mécanismes de formation et d'élimination spécifiques.
C’est l’ozone de la haute atmosphère qu’on appelle communément la “couche d’ozone” : sans ce gaz, la vie évoluée n'existerait probablement pas en dehors des océans.
Dans les années 1980, on a découvert que les premiers halocarbures mis sur le marché, les CFC, étaient responsable de la destruction de l’ozone présent à haute altitude. Cette destruction se manifestait notamment de manière très spectaculaire au moment du printemps dans l’hémisphère sud : en quelques semaines la quasi-totalité de l'ozone stratosphérique situé au-dessus de l'Antarctique disparaissait. C’est de là qu’est venu l’expression “trou de la couche d’ozone”.
Le Protocole de Montréal signé en 1987 a décidé leur interdiction progressive. Ils ont été remplacés par d’autres halocarbures (les HFC ou les PFC) qui ne détruisent pas l’ozone, mais restent des gaz à effet de serre très puissants.
1.3. Les émissions de gaz à effet de serre concernent tous les secteurs
Les explications précédentes sur les sources d’émissions de gaz à effet de serre montrent qu’elles proviennent de plusieurs processus chimiques et physiques, et donc qu'elles concernent tous les secteurs économiques. C’est ce qu’on peut constater sur l’image suivante.
Emissions directes et indirectes de gaz à effet de serre mondiales par secteur final d'utilisation en 2019
En 2019, les émissions anthropiques de gaz à effet de serre se sont élevées à 59 GtCo2eq réparties de la façon suivantes.
Source Sixième Rapport d’évaluation du GIEC (2022) - Groupe de travail 3 – Chapitre 2 (figure 2.12).
Dans ce graphique, les émissions indirectes (c'est-à-dire celles liées à la production d'électricité et de chaleur) sont affectées aux secteurs finaux de consommation (par exemple le bâtiment).
Le secteur Energie ne comprend donc que les autres émissions liées à la production d'énergie (ex : émissions fugitives des industries fossiles, le raffinage du pétrole etc.)
UTCAF = Utilisation des terres, changement d'affectation des terres et foresterie ;
Pour en savoir plus
Quelques ressources pédagogiques sur l’effet de serre et les gaz à effet de serre
Les concentrations historiques de gaz à effet de serre
Avant de mesurer les émissions actuelles, il est pertinent de s’intéresser aux données historiques qui peuvent fournir une base de comparaison. Il existe différentes méthodes permettant d’étudier les climats du passé : l’étude des stalactites, des sédiments marins ou encore des calottes glaciaires, qui permettent chacune de remonter à différentes échelles de temps dans le passé.
Les calottes glaciaires recouvrent, sur plusieurs kilomètres de hauteur, les terres du Groenland et de l’Antarctique. Elles sont formées de la neige qui tombe, ne fonds pas (la température y est toujours inférieure à 0°C) et finit par se transformer en glace sous le poids des chutes successives. L’air qui entoure les flocons se retrouve alors emprisonné sous forme de petites bulles.
L’étude de ces bulles, véritables échantillons du passé emprisonnés dans la glace des calottes glaciaires, permet de mesurer avec précision la teneur en GES de l’atmosphère très loin dans le temps. Cela tient à deux raisons principales :
- La plupart des GES ne sont pas chimiquement actifs : ils ne se transforment pas facilement lorsqu’ils entrent en contact avec d’autres éléments. C’est pourquoi, ils n’ont pas été détruits après des dizaines de milliers d’années de résidence dans les glaces.
- Les concentrations de GES sont sensiblement les mêmes en tout point de l’atmosphère. En effet, les GES restent plusieurs dizaines d’années dans l’atmosphère, alors que la durée du brassage de la partie inférieure de l’atmosphère (la troposphère) n’est que de quelques mois. En moins d’un an, une quantité émise n’importe où se retrouve donc à peu près homogénéisée au-dessus de l’ensemble de la planète. Les GES emprisonnés dans les bulles d’air des calottes glaciaires sont donc des indicateurs de la concentration globale.
Pour explorer ces archives du climat que sont les calottes glaciaires, les scientifiques forent la glace jusqu’à atteindre le socle rocheux et en retirent une colonne de glace (appelée « carotte de glace »). Plus on se rapproche du socle rocheux plus la glace est ancienne. Les carottes prélevées dans la station russe de Vostok avaient par exemple permis, en 1999, de remonter dans le temps jusqu'à - 800 000 ans.
Evolution de la concentration atmosphérique de GES
Le résultat des travaux les plus récents se trouve dans le dernier rapport du GIEC et permettent de constater à quel point la période récente est particulière. La hausse récente des concentrations atmosphériques de gaz à effet de serre est inégalée depuis 800 000 ans.
Comparer les différents gaz à effet de serre entre eux
3.1 Pourquoi vouloir les comparer
Comme on l’a vu dans la partie 1, il existe différents types de GES, provenant de différentes sources et ayant différents impacts sur le climat. Afin de prendre des décisions à l’échelle de l’individu, des entreprises ou d’un Etat, il est nécessaire de pouvoir comparer les GES dans une unité commune. En termes pratiques, il faut pouvoir répondre à la question : qu’est-ce qui est pire entre manger un steak ou rouler 10km en voiture ?. La réponse n’est pas simple et suppose de savoir dire ce qui est pire entre une molécule de CH4 émise par le cheptel bovin français et une molécule de CO2 émise par la combustion du pétrole sur une autoroute.
Tout d’abord, l’homogénéité géographique rend pertinente la comparaison des émissions de GES quel que soit le lieu d’origine. Certaines pollutions sont très locales, à l’instar du dioxyde de souffre (SO2) qui cause des pluies acides dans la zone où il est émis. Dans ce cas, une particule de SO2 émise au milieu de l’atlantique n’a pas le même effet que si elle était émise à Paris. A l’inverse, comme expliqué dans la partie 2, les GES sont brassés dans l’atmosphère et sont répartis tout autour de la planète. Le lieu d’émission n’a donc pas d’importance : il est possible d’additionner du CO2 émit en France et en Chine.
En revanche, tous les GES n’ont pas le même impact sur le climat. Le méthane provoque un effet de serre beaucoup plus puissant que le dioxyde de carbone, mais reste sensiblement moins longtemps dans l’atmosphère.
3.2 Définitions : temps de résidence dans l'atmosphère et pouvoir réchauffant des gaz à effet de serre
3.2.1 Le temps de résidence est la durée moyenne pendant laquelle une molécule de ce gaz restera dans l’atmosphère.
En effet, les GES n'y restent pas indéfiniment puisqu’il existe des processus physiques ou chimiques qui font diminuer la concentration de chaque GES jusqu’à atteindre un équilibre. Par exemple, la pluie retire de la vapeur d'eau et la renvoie sur la surface terrestre. Le méthane disparaît lors d'une réaction chimique pour former du CO2. Le CO2 peut être absorbé par la photosynthèse des plantes ou être dissous dans l'océan. Enfin, les CFC peuvent disparaître s'ils sont frappés par des rayonnements électromagnétiques provenant du soleil qui cassent les liaisons moléculaires.
Le CO2 disparaît pour moitié en 100 ans (et l'autre moitié peut rester plusieurs milliers d'années), le méthane en moyenne en 12 ans, le N2O en 121 ans et les halocarbures en plusieurs milliers d'années. Plus un gaz reste longtemps dans l’atmosphère, plus il est problématique, car il provoque un effet de serre sur une plus longue durée.
3.2.2 Le deuxième paramètre qui caractérise un GES est sa puissance
Tous les GES ne captent pas la même part de rayons infrarouges terrestres, et donc ne provoquent pas tous le même réchauffement. C’est une sorte de puissance instantanée qui ne dépend donc pas de son temps de résidence. Plus un gaz est réchauffant, plus une molécule de ce gaz à un instant donné va provoquer un réchauffement de l’atmosphère.
C. Comprendre ce que représente la tonne équivalent CO2
3.3.3 Le calcul du Potentiel de Réchauffement Global (PRG)
Le PRG est une mesure du pouvoir de réchauffement d’un GES sur la durée. Il tient compte à la fois de la puissance instantanée d'un GES et de son temps de résidence.
Précisément, le PRG d’un gaz est égal au pouvoir de réchauffement d’un kilogramme de ce gaz sur une certaine durée, divisée par le pouvoir de réchauffement d’un kilogramme de CO2 sur cette même durée.
Par définition, le PRG du CO2 est égal à 1 et celui des autres gaz dépend donc de la durée choisie dans la définition du PRG. Concrètement, le PRG d’un gaz à 100 ans dit combien de fois plus une masse de ce gaz va réchauffer l’atmosphère que la même masse de CO2 pendant 100 ans.
Par exemple, le méthane est 82 fois plus réchauffant que le CO2 sur une durée de 20 ans, mais seulement 10 fois plus réchauffant sur 500 ans. De ce point de vue, plus l’horizon du PRG est court, plus les émissions de méthane sont graves comparées aux émissions de CO2. Cela se traduit par exemple par la priorité donnée aux réductions des émissions de méthane du cheptel bovin par rapport à la décarbonation du transport routier. Le choix de cette durée est donc politique car il établit de fait une hiérarchie entre les différents gaz à effet de serre, de même qu’il donne une valeur au bien-être des générations futures. En effet, plus l’horizon de temps est court, moins le réchauffement climatique qui aura lieu plus tard est pris en compte.
PRG des principaux gaz à effet de serre à 20, 100 et 500 ans
3.3.4 Le PRG à 100 ans permet de définir la tonne équivalent CO2
Dans le dernier accord climati international important, l’accord de Paris adopté à l’issue de la COP 21 en 2015, c’est le PRG à 100 ans qui a été retenu pour la définition et le suivi des objectifs de réduction des émissions de GES, arguant que cette durée correspondait à un équilibre entre le court et long terme.
On utilise ainsi le PRG à 100 ans pour définir la tonne équivalent CO2 (teq-CO2 ). La tonne équivalent CO2 est en effet définie pour un gaz (CO2, CH4, N2O etc..), comme la masse de CO2 qu’il faudrait émettre pour obtenir le même réchauffement global à 100 ans qu'avec une tonne de ce gaz. En pratique, il suffit de multiplier la masse du gaz émis par la valeur de son PRG à 100 ans.
Par exemple, pour obtenir le réchauffement à 100 ans d'une tonne de CH4, il faudrait émettre 29,8 tonnes de CO2. Donc 1 CH4 = 29,8teq-CO2. De la même façon, 1 tonne de N2O = 273 teq-CO2.
Une autre unité est parfois utilisée : il s’agit de la tonne équivalent carbone. Sachant que dans 1 tonne de CO2 il y a 0,2727 t d’atome de carbone seul, on calcule la tonne équivalent carbone en utilisant la correspondance : 1 teq-CO2 = 0,2727 teq-C. La différence entre l’équivalent CO2 et l’équivalent carbone réside donc simplement dans un facteur multiplicatif.
Emissions anthropiques mondiales de gaz à effet de serre entre 1990 et 2019
Une fois les émissions converties en tonnes équivalent CO2, il est possible de les additionner et de les comparer. Le graphique suivant présente la répartition des émissions anthropiques de GES dans le monde par type de gaz depuis 1990. On peut constater que le principal GES est le dioxyde de carbone (à la fois fossile et provenant de la déforestation), puis le méthane et le protoxyde d’azote.
Pour en savoir plus
Mesurer les émissions à différentes échelles : du global au local
4.1 Les émissions à l’échelle d’un pays
4.1.1 Le cadre légal international de reporting se concentre sur les émissions émises à partir d’un territoire
Les pays signataires de la convention cadre des nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), adoptée au sommet de la Terre à Rio de 1992, se sont mis d’accord lors du protocole de Kyoto de 1997 pour obliger tous les pays dits de l’annexe 1 annexeparties à réaliser un inventaire annuel de leurs émissions de GES, en appliquant les principes méthodologiques définis par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).
On dispose donc des niveaux d’émissions par pays depuis les années 1990. Ces inventaires ne couvrent que les émissions territoriales, c’est-à-dire celles qui ont lieu à l’intérieur des frontières.
Emissions de gaz à effet de serre dans le monde, par régions
4.1.2 L’empreinte carbone mesure les émissions liées à la consommation
L’empreinte carbone mesure la totalité des émissions de GES induites par la consommation d’un bien ou d’un service. Elle permet donc de quantifier la dépendance carbone d’une entité (un pays, une collectivité, une entreprise, un consommateur). L’empreinte carbone d’un pays se différencie de l’inventaire de ses émissions car elle tient compte des émissions qui ont eu lieu ailleurs afin de produire les biens qui seront consommés dans ce pays. Elle mesure les émissions intérieures, celles induites par les importations, et soustraie aussi les GES émis pour un produit finalement exporté.
Comparaison de l’empreinte carbone et des émissions territoriales en France en 2018
Pour en savoir plus
Pour une liste exhaustive des bases de données disponibles sur les GES consultez notre rubrique ressources
Les inventaires d’émissions
4.2 Les émissions des entreprises et des collectivités : le bilan carbone
4.2.1 Qu’est-ce que le bilan carbone ?
Le bilan carbone est un inventaire chiffré des GES émis sur une année par une entité donnée (entreprise, collectivité ...). La méthodologie du bilan carbone a été développée par Jean-Marc Jancovici en 2004 et diffusée par l’Ademe, avant d’être reprise en 2011 par l’Association Bilan Carbone. C’est un outil de diagnostic qui permet de mesurer la dépendance d’une entreprise ou d’une collectivité aux énergies fossiles et plus globalement aux émissions de GES qu’il génère.
Les GES pris en compte sont le dioxyde de carbone, le méthane, le protoxyde d’azote et des halocarbures (HFC, PFC, SF6). La vapeur d’eau n’est pas prise en compte car le temps de résidence d’une molécule d'H2O dans l’atmosphère n’est que de quelques jours.
Les émissions peuvent être de deux types :
- Directes, si elles sont réalisées par l’entité sur les sites qu’elle occupe
- Indirectes, si elles ont été réalisées par d’autres entités, pour subvenir à un besoin de l’entité concernée (fournisseurs, déplacements des employés) ou si elles ont été rendues possibles par elle (consommation énergétique des produits vendus etc.).
On distingue trois périmètres (appelés « scopes ») d'émissions allant des plus directes aux plus indirectes :
- Scope 1 : les émissions réalisées par les équipements de l’entreprise directement sur site (production du ciment qui émet chimiquement du CO2 par exemple)
- Scope 2 : les émissions réalisées en dehors du site mais induites par la production d’énergie qui sera consommée sur site (notamment les émissions de CO2 lors de la production d’électricité par des centrales thermiques mais consommée sur site)
- Scope 3 : toutes les autres émissions indirectes liées aux activités en amont (achats de matériaux et d’équipement etc..), et aux activités aval (utilisation des produits vendus, recyclage et fin de vie des produits etc.).
Comment réaliser un bilan carbone ?
La méthodologie la plus usuelle consiste à définir un périmètre d’analyse, identifier les activités émettrices de GES (chauffage, électricité, achats de matériaux, transports etc.), déterminer la quantité consommée de chaque activité et de multiplier cette quantité par le facteur d’émission associé, qui est fourni par l’Ademe ecoinvent.
Par exemple, l’Ademe fournit le facteur d’émission d’un kWh d’électricité consommé en France en 2021, il faut donc multiplier cette quantité par la totalité de kWh consommés par l’entreprise. L'image ci-avant identifie quelques activités émettrices classiques pour une entreprise.
4.2.2 Etat des lieux des obligations de publication de bilans carbone (et méthodes assimilées)
La France n'est pas le premier pays à avoir adopté l'obligation pour les entreprises de rendre publiques leurs émissions de gaz à effet de serre. C'est par contre le pays qui va le plus loin en la matière puisque la réglementation impose aujourd'hui aux plus grosses entreprises de divulguer le scope 3 de leur émissions (voir encadré).
Cette obligation, introduite progressivement dans la loi depuis le début des années 2000 obligationreporting, n’est cependant pas un gage d’effectivité du reporting. En 2021, seuls 35% des structures tenues de réaliser un bilan d’émission de gaz à effet de serre s'y étaient conformées (43% si on ne compte que les entreprises). performanceextrafinanciere
La Convention Citoyenne pour le Climat (CCC) s’est penchée sur le sujet et a proposé plusieurs mesures, et notamment de remplacer l’amende de 10.000€ par une amende plus contraignante basée sur le chiffre d’affaires.
Les obligations règlementaires en France
En France, les entreprises de plus de 500 employés et les administrations publiques d’une certaine taille doivent réaliser tous les 3 ou 4 ans (selon le type d’acteur) un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre (BEGES) ainsi qu’un plan d’action pour les réduire. Ces bilans dit « réglementaires » doivent être réalisés selon une méthodologie formalisée qui inclut les scopes 1 et 2. Depuis 2022, les émissions indirectes significatives (ce qui recouvre une large partie du scope 3) doivent également être publiées exceptionscope3.
Bilans et plan d’actions sont rendus publics sur un site dédié. L’absence de publication du bilan expose à une amende de 10000€ (20000 € maximum en cas de récidive).
A noter que les plus grosses entreprises (seuil précisé ici) doivent, par ailleurs, publier chaque année à côté du rapport de gestion une déclaration de performance extra-financière (DPEF) incluant « les postes significatifs d'émissions de gaz à effet de serre générés du fait de l'activité de la société, notamment par l'usage des biens et services qu'elle produit».
Source Consultez les textes réglementaires : Article
L. 229-25 du code de l’environnement fixe le cadre général des BEGES et l’article
R229-47 précise leur périmètre (les scopes). L’article
L225-102-1 du code de commerce introduit l'obligation de publier des déclarations de performance extra-financière pour les plus grosses entreprises (les seuils sont précisés dans l'article
R225-104 et concernent également l'obligation de divulguer le scope 3 dans les BEGES) et l'
Article R225-105 précise les informations à divulguer.
Au niveau européen, l’obligation de réaliser un reporting extra financier est incluse dans la Directive 2013/34/UE relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d'entreprises
* Introduite en 2014 (par la Directive 2014/95 dite Non-Financial Reporting Directive - NFRD), cette obligation est cependant assez peu précise et ne concerne que les plus grandes entreprises qui doivent inclure « dans le rapport de gestion une déclaration non financière comprenant des informations, dans la mesure nécessaire à la compréhension de l’évolution des affaires, des performances, de la situation de l’entreprise et des incidences de son activité, relatives au moins aux questions environnementales, aux questions sociales et de personnel, de respect des droits de l'homme et de lutte contre la corruption ». Des lignes directrices visant à aider les entreprises à communiquer des informations non financières ont été publiées en 2019. Elles sont plus précises (notamment sur le reporting des émissions de GES) mais elles n'ont qu'une valeur indicative, non contraignante.
*Adoptée en janvier 2023, la directive 2022/2064 sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (dite Corporate Sustainability Reporting Directive « CSRD ») a introduit d'importantes modifications concernant le reporting extra financier.
- le champ d’application est élargi : toutes les entreprises cotées (y compris les PME), ainsi que les entreprises non cotées au-dessus de deux des trois seuils suivants (250 salariés ; 40 M€ de chiffre d’affaires net et 20 M€ de total de bilan) sont désormais concernées ;
- le reporting de durabilité sera publié dans une section dédiée du rapport de gestion (avant il était possible de faire un rapport spécifique) ;
- la standardisation du reporting est renforcée : l’EFRAG (le groupe consultatif européen sur l’information financière) a été missionné par la Commission pour créer des normes de reporting de durabilité européennes harmonisées, (dites normes « ESRS » European Sustainability Reporting Standards) qui comprennent des normes applicables à toutes les entreprises (adoption prévue en juin 2023), des normes sectorielles et des normes spécifiques aux PME (juin 2024) ;
- la vérification de l’information par un commissaire aux comptes ou un organisme tiers indépendant (au choix des États) est rendue obligatoire.
L’EFRAG a publié en novembre 2022 un projet de 12 normes applicables à toutes les entreprises concernées par la directive (la version définitives doit être adoptée par la Commission en juin 2023). Concernant les bilans d’émissions de GES (norme ESRS E1) les scopes 1, 2 et 3 sont concernés.
La directive CSRD entrera progressivement en application à compter du 1er janvier 2024. En 2025, seules les plus grosses entreprises (>500 salariés, >40M€ CA et/ou >20M€ de total de bilan) devront réaliser un reporting extra financier selon les nouvelles normes (pour l’exercice 2024). L’obligation s’étendra ensuite progressivement aux autres entreprises.
Pour en savoir plus
Au niveau international, le rapport de la Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD), paru en 2017, a permis de poser un cadre de reporting climatique des entreprises partagé au niveau mondial. Cette initiative a fait suite à la mise en évidence des risques financiers systémiques liés aux réchauffement climatique (que nous présentons dans le module sur la finance). L’objectif est notamment de permettre aux investisseurs de mieux évaluer les risques climatiques portés par les entreprises dans lesquelles ils investissent. Si la démarche est intéressante, notamment car elle donne une dimension beaucoup plus stratégique au reporting sur le climat, elle reste volontaire.
Enfin, certains acteurs privés sont également à l'origine de demandes de reporting sur les émissions de gaz à effet de serre des entreprises. C’est par exemple le cas du Carbone disclosure project (qui récolte notamment des données pour les vendre aux investisseurs) ainsi que de nombre de fonds dits « responsables ».
4.2.3 La problématique du scope 3 dans le bilan carbone
Le scope 3, qui compte les émissions indirectes, est souvent oublié par les entreprises, qui arguent qu’il pose le problème du double compte (par exemple, les émissions liées à l’usage de la voiture sont incluses dans le scope 3 des entreprises automobiles et par les pétroliers).
En pratique, ce scope 3 constitue souvent la majeure partie des émissions de CO2-eq des d’une activité économique.
Exemples illustratifs de répartition des émissions de GES entre scope pour diverses branches de l’économie française
L’objectif du bilan carbone est de mesurer la dépendance aux émissions de GES, donc on doit tenir compte des émissions sur toute la chaîne. Le bilan carbone répond en partie à la question : à quel point l’activité peut perdurer si les émissions de GES étaient interdites ? De plus, si une entreprise achetait un de ses fournisseurs, son bilan carbone ne devrait pas changer car l'activité reste fondamentalement la même et émet toujours autant de GES. Or, si le scope 3 est oublié, son bilan change fortement.
Par ailleurs, inclure le scope 3 permet de créer des incitations pour les entreprises et leurs fournisseurs à proposer des produits et services les plus décarbonés possibles.
Enfin, le double compte n'est pas un problème en soi. Il ne pose souci que si on cherche à additionner des bilans carbones, ce qu'on fait par exemple pour déterminer le bilan carbone d'un portefeuille de titres ou d’une filière économique. Des méthodes ont été développées pour annuler les éventuels double comptes dans ces cas de figure.
Pour en savoir plus
4.3 Evaluer les émissions des individus
Il est possible de mesurer les émissions moyennes des habitants d’un pays. Cela permet d’avoir un premier aperçu du poids de la démographie et du poids du mode de vie sur les émissions d’un pays.
Sur le tableau suivant on peut par exemple comparer les émissions par habitants des différents continents avec trois types de périmètres : les émissions territoriales de GES par habitant, les émissions territoriales de CO2 par habitant (production-based CO2 emissions) et l’empreinte carbone par habitant (consumption-based CO2 emissions).
Indicateurs régionaux d'émissions carbone selon la production et la consommation
La comparaison entre les émissions territoriales et l’empreinte carbone est également riche d’enseignement. Ainsi, d’après le rapport sur l’empreinte carbone du Haut Conseil pour le Climat, les émissions territoriales françaises étaient en 2018 d’environ 5t par habitant et par an, alors que l’empreinte carbone est de 10t par habitant et par an, soit deux fois plus. Cela s’explique par le fait qu’une grande part des produits consommés en France sont produits à l’étranger.
Un individu peut également calculer sa propre empreinte carbone, c’est-à-dire toutes les émissions dont il est responsable du fait de sa consommation. Cette empreinte mesure tout le CO2 qui a été relâché dans l’atmosphère pour permettre de nous loger, nous déplacer, nous nourrir et nous divertir. Elle dépend pour partie du système énergétique du pays dans lequel nous vivons, mais surtout de nos modes de consommation. Il existe de nombreux calculateurs qui permettent d’obtenir une image précise de l’empreinte carbone individuelle et de comprendre l’effet de nos différentes activités.
En 2019, l’empreinte carbone moyenne d’un français se segmente en 5 grands facteurs
- Les déplacements, à hauteur de 2,7 tonnes, principalement dus à la voiture et à l’avion.
- L ’alimentation avec 2,4 tonnes, notamment à cause de la consommation de viande.
- Le logement, à 1,9 tonnes, par exemple via le chauffage au gaz et au fioul.
- La consommation, à 1,6 tonnes, du fait de nos achats et de nos loisirs.
- L’administration publique, à 1,4 tonnes, qui fournit un service public (enseignement, santé, défense etc.).
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Ressources additionnelles sur l'empreinte carbone
Comment attribuer les émissions de gaz à effet de serre ?
Nous avons vu au travers des divers exemples que comptabiliser les émissions implique de les attribuer. Or, ces dernières présentent une dualité problématique. D’un côté, il y a une réalité physique : les émissions, la molécule de CO2 qui apparaît après réaction chimique à un endroit et à un moment donné. De l’autre, il y a une réalité sociale qui constitue notre grille de lecture quotidienne : des pays, des entreprises, des individus. Faire le lien entre les deux nécessite une convention d’attribution. Or, il existe de multiples possibilités et il faut donc faire un choix. Ce choix est éminemment politique, car la responsabilité de réduire les émissions incombe principalement à celui qui en porte l’allocation.
Prenons l’exemple d’une centrale à charbon qui produit de l’électricité grâce à la chaleur générée par la combustion du charbon. On peut attribuer le CO2 émis :
- Au gouvernement qui a autorisé la construction de la centrale
- A l’entreprise exploitant la centrale
- Aux individus détenant le capital de cette entreprise
- Au consommateur de l’électricité produite
- A l’entreprise ou au pays qui a extrait et vendu ce charbon
- Tous ces acteurs à la fois
Si on attribue les émissions aux entreprises (publiques ou privées) qui ont extrait et vendu ce charbon (ou les énergies fossiles en général), on peut aboutir à des affirmations comme “90 entreprises responsables de 63% des émissions cumulées depuis 1751”. Cela peut poser problème si on considère que les entreprises pétrolières ne sont pas les seules responsables des émissions liées à la combustion du pétrole qu’elles vendent.
Dans une étude parue en 2022, Greenpeace a choisi d’imputer les émissions des entreprises à leurs actionnaires, ce qui leur permet d’affirmer que “63 milliardaires français émettent autant de GES que la moitié de la population française”. Ce point de vue rend le patrimoine financier des individus responsable des émissions des entités dans lesquels il est engagé.
L’empreinte carbone attribue les émissions aux consommateurs et pas aux producteurs. Cela implique que c’est le consommateur qui est responsable, et c’est donc lui qui a le pouvoir d’agir. Politiquement, elle justifie toutes les mesures obligeant les entreprises à informer leurs clients (étiquettes, labels etc.).
Sur un plan moins politique : une vache émet une grande quantité de méthane à cause de sa digestion. Si elle produit du lait toute sa vie puis de la viande lorsqu’on l’abat, quelle part du CH4 doit-on donner au lait et quelle part à la viande ? Doit-on le faire au prorata de la masse de chaque produit (auquel cas le poids final de la viande sera écrasé par la totalité du lait produit) ? Ou au prorata du prix ? Il est difficile de donner une réponse “évidente”.
Tous ces exemples montrent l’importance de la manière dont on attribue les émissions à différents acteurs ou à différents produits. Une légère différence de règle a des conséquences significatives sur la comptabilité carbone et donc sur les actions politiques qui y sont liées. Cette attribution est indissociable d’une vision de la responsabilité et de questions fondamentalement morales.
Cela étant dit, rien n’empêche d’attribuer une molécule de CO2 à plusieurs acteurs. Multiplier les attributions d’émissions carbones permet aussi de multiplier les leviers de décarbonation. En tant qu’individu, j’aurais intérêt à agir en tant que consommateur, en tant que citoyen par mon engagement politique et mon choix dans l’isoloir, en tant que salarié lorsque je choisis l’entreprise dans laquelle je travaille et les actions que je porte à l’intérieur ou encore en tant qu’épargnant par le choix des produits financiers sur lesquels je place mon argent.
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